« Barbara », Mathieu Amalric filme Jeanne Balibar.
Il y avait longtemps que je ne vous avais pas parlé de mes séances de cinéma du dimanche matin. En juillet et en août, c’est vers la plage que j’ai couru à ces heures matinales, plutôt que de m’enfermer dans une salle obscure.
Au premier dimanche gris de septembre, j’ai repris le chemin de mon cher cinéma Rialto, pour ne pas manquer le Barbara de Mathieu Amalric dont j’attendais beaucoup et qui ne m’a pas déçue ! Mieux encore, ce fut pour moi, comme parfois au cinéma, un moment rare d’enchantement, de lâcher-prise, d’émotion face à ce film, cette œuvre d’art dirais-je plutôt, chargée des qualités que je demande à l’art cinématographique, c’est-à-dire l’alliance du sens, de l’image et du son, réalisée avec panache et passion par Mathieu Amalric et servie par celle que je considère comme l’une de nos meilleures comédiennes françaises, Jeanne Balibar.
N’en jetez plus, me direz-vous, tout ça pour un biopic sur la chanteuse Barbara ! Justement, ce film est tout sauf un biopic, cet exercice très prisé par le cinéma aujourd’hui et qui nous donne les pires navets de l’industrie de l’image… Autre reproche entendu dans un dîner en ville : « On n’y comprend rien, de qui s’agit-il ? De Barbara, de Jeanne Balibar ? de l’amour d’Amalric pour Barbara ou pour Jeanne Balibar ? »
Eh bien oui, c’est tout ça en même temps, réalisé avec talent, avec amour, avec folie par Mathieu Amalric pour donner non pas un biopic mais un ovni, auquel on adhère ou qu’on repousse, mais qui, heureusement pour les protagonistes de cette belle histoire, ne laisse jamais indifférent.
Pour ceux qui aiment suivre un fil conducteur, voici le pitch : « Une actrice va jouer Barbara, le tournage va commencer bientôt. Elle travaille son personnage, la voix, les chansons, les partitions, les gestes, le tricot, les scènes à apprendre, ça va, ça avance, ça grandit, ça l’envahit même. Le réalisateur aussi travaille, par ses rencontres, par les archives, la musique, il se laisse submerger, envahir comme elle, par elle. ». Vous voyez, ce n’est pas si difficile à suivre ; je vais même vous en dire plus, par exemple que Mathieu Amalric pour ce film sur Barbara, s’est inspiré de deux œuvres, le livre de Jacques Tournier publié en 1968, Barbara ou les parenthèses et le documentaire de Gérard Vergez, réalisé durant la tournée de 1972, où l’on voit Barbara en voiture en train de tricoter, de divaguer ou de roucouler…
Je ne sais plus qui a dit : «Les les images de Barbara et de Balibar la jouant se confondent et nous confondent, dans une illusion parfaite et troublante. Mathieu Amalric et son actrice jouent avec elle aussi bien qu’avec nous, qui ne savons plus très bien qui est qui, de la vraie Barbara ou de son avatar de cinéma. ». C’est exactement ça et on est confondu !
Dans cette trilogie Jeanne Balibar/Mathieu Amalric/Barbara, qui d’autre que Jeanne Balibar aurait pu réaliser ce miracle, rendre plus que jamais vivante une Barbara dont on ne voit que quelques images, dont on n’entend que peu la voix, mais mêlée à celle de Balibar, belle, personnelle, émouvante ; un doublement à fois fidèle et original. Pour réussir cette métamorphose il fallait le contrôle très élaborée de l’image et du son d’un Mathieu Amalric au sommet de son art, en dévotion pour la magnifique artiste qu’a été Barbara, âme de cette histoire dont Amalric ne nous livre que de brefs instants, vibrants, sophistiqués et étonnamment vivants .