Claes Oldenburg le pop art ironique.
Claes Oldenburg et un baby boomer américain d’origine suédoise. Arrivé très jeune aux États Unis où il étudie l’art et la réalisation il choisit de vivre dans les quartiers populaires, pauvres de New York. La société de consommation yankee va probablement le troubler au-delà du supportable. Il va en jouer drôlement, ironiquement. Quelle est-elle cette société? C’est très simple, à la fois pathologiquement hygiéniste et parfaitement boulimique. Obsédée par les problèmes matériels. Faisant fi du spirituel noyé dans le ketchup et la crème glacée. Un homme esclave de ses besoins les plus ordinaires. Débordé, dépassé, englouti par ces derniers, voilà ce que voit, ressent et retranscrit Claes Oldenburg de l’Amérique cirrhosée par sa propre consommation. Ainsi naîtront des objets tout droit sortis du quotidien – oui – mais devenus gigantesques et mous (lesquels ne feraient ils pas penser aux montres molles de Dali..? Simple questionnement personnel) comme ridicules dans leur démesure. Ou bien au contraire veaux d’or dégoulinants d’une civilisation confinant à la léthargie intellectuelle.
Toutes les créations de Claes Oldenburg sont d’un incroyable – insupportable – réalisme. Deux options s’offrent à nous : rire ou ne pas rire. J’ai toujours choisi la première rêvant de m’allonger entre la feuille de salade et le steak de ses burgers géants. Pour ceux qui n’en riraient pas et c’est certainement le chemin qu’il est bon d’emprunter, les créations de Claes Oldenburg composées de matériaux les plus pauvres comme le carton (à ses débuts), la récupération de tout ce qu’il trouve dans la rue montre à quel point ce qui domine l’homme pauvre prisonnier d’une société ultra libérale où la consommation est érigée au rang de divinité, c’est la difficulté quotidienne – autant qu’insurmontable – de se procurer ce qui définit l’Américain(e) moderne : dentifrice, part de gâteau, rouge à lèvres, prise de courant… Claes Oldenburg c’est le monde de Gulliver après le krach. De tous les artistes iconiques du pop art il est à la fois le plus ludique de par la représentation réaliste et démesurée des objets venus du quotidien qui l’interpellent mais aussi – surtout – le plus politique montrant, et nul ne pourra dire qu’il ne l’a pas vu, comment l’homme (pauvre) s’enchaîne à sa propre existence en courant après le néant existentiel que représente son épingle à nourrice, son cornet de glace fondant à un angle d’immeuble, son épingle à linge, ses toilettes molles.
Oui c’est infiniment séduisant quand on a dix ans. Les Claes Oldenburg sont des jouets qu’on rêve avoir réalisé. On en est dingue. On se roule dedans. Et puis on grandit – enfin peut être – et nous devenons le Tom pouce de nos jouets qui se transforment en ogres et nous dévorent. Du moins notre énergie. Claes Oldenburg réalise avec brillance la démesure de nos vies à l’affligeante banalité. À la sordide aliénation. Un maître. Un roi.
Ressaisissons-nous sous peine de finir en saucisse à hot dog de ses prochaines œuvres. Pris en sandwich entre notre volonté de décoller du train-train et son implacable poids.
Sonia Dubois