She-Bam Pow Pop Wizz ! Les Amazones du Pop
Cette exposition, avec ses onomatopées c’est du Gainsbourg chanté par Bardot, elle est joyeuse, elle pétille, elle fait des bulles. Elles sont deux, nos guerrières, Hélène Guenin et Géraldine Gourbe, pour caracoler avec ces Amazones du Pop dans un univers plus que séduisant mais pas si facile à investir. En fait, qui étaient-elles ces cavalières du Pop pour oser s’attaquer à la suprématie masculine, sinon en leur opposant leurs rêveries puissantes et sensuelles ?
Sid Sachs, pour la Rosenwald-Wolf Gallery de l’Université des Arts de Philadelphie, s’y était attelé comme commissaire pour le Brooklyn Museum, en 2011, avec Séductive Subversion: Women Pop Artists, 1958–1968, qui réunissait des artistes comme Évelyne Axell, Pauline Boty, Chryssa, Niki de Saint Phalle, Rosalyn Drexler, Marisol, Yayoi Kusama, Jann Haworth, Vija Celmins, Lee Lozano, Marjorie Strider, Idelle Weber, Joyce Wieland, etc., sans convaincre totalement la critique ni faire de l’ombre aux Claes Oldenburg et Jim Dine, Roy Lichtenstein, Andy Warhol, James Rosenquist, George Segal, Tom Wesselman.
Sont-ce les difficultés de circulation des œuvres de par le monde à cause de la pandémie – n’oublions pas qu’Hélène Guenin a été dans l’obligation de retarder son exposition du printemps à l’automne 2020 – ou l’envie d’explorer le phénomène dans un esprit plus européen, qui ont conduit les deux commissaires à nous inviter, dans les salles du premier étage du MAMAC, à un parcours ludique, décapant et d’une liberté fraiche et débridée ? Le résultat enchante, tant par le choix des œuvres que leur mise en scène. Que ce soient les yeux de Nicola L. (L’Oeil, 1969, plafonnier ou applique murale, plexiglas coloré) qui nous guettent dans le noir, ou Marjorie Strider ( Girl With Open Mouth, 1963, acrytique sur isorel et relief en bois) dans sa sexualité torride, ou encore la délicieuse installation avec les Nanas de Niki de Saint Phalle habillant le plafond, chaque pièce saisit par son audace, sa frontalité comme aussi, les deux peintures de cette étrange artiste belge disparue prématurément, Évelyne Axell (Ice cream1, 1964, huile sur toile) et (Erotomobile, 1966, huile sur toile et pneu)..
Mais, la séduction des images, certes très puissante, ne fait oublier ce qu’elles révèlent profondément de la condition féminine, un appel à la liberté et à la fin de la domination masculine… Y sont-elles parvenues ? Il y avait d’ailleurs dans ces revendications quelque chose d’innocent, de presque enfantin lorsque qu’on lit, par exemple, le texte de Niki de Saint Phalle sur les créatures voluptueuses que sont ses Nanas : « Elles sont libérées de toutes ces conneries : sentimentalité, mariage, masochisme. […] Elles sont tout simplement elles-mêmes. Elles ne sont plus écrasées, elles n’ont absolument pas besoin des mecs […], elles sont indépendantes, elles sont joyeuses. » Mecs, nanas, ça fait un peu « L’école est finie » par rapport à nos militantes d’aujourd’hui, mais, me direz-vous, il fallait bien commencer par quelque chose.
Dans le désert dans lequel prêchaient nos Amazones, ce quelque chose est fort bien circonscrit par nos deux commissaires, femmes, ce qui n’est pas négligeable et attachées, en tout cas pour ce que je sais d’Hélène Guenin, à donner aux femmes la place qui devrait être la leur depuis toujours : l’égale de l’homme. Ni plus, ni moins. Que nous disent-elles pour nous éclairer sur les multiples lectures de leur entreprise :
« Un monde meilleur ? Les transformations qui s’opèrent à marche forcée, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, dans le quotidien, l’habitat, les déplacements, les paysages, les mœurs autorisent les projections les plus euphoriques vers un avenir radieux et un mieux-être pour tou.te.s. La production de masse fait éclore une quantité d’objets nouveaux aux couleurs et matières vives, portant la promesse d’une éternité. Un devenir « meilleur », progressiste, pacifique du monde semble accessible… en Europe et aux États-Unis du moins, car l’aspiration des peuples colonisés ou des peuples autochtones à leur auto-détermination fait vaciller certaines conceptions de la démocratie.
Dans ce contexte de décolonisation ainsi que de conquête de l’espace, les artistes amazones inventent des langages inédits qui disent la complexité des temps. Leurs positions face aux conflits sont affirmées et brouillent les distinctions entre art et vie. Tout en posant les questions de genre, de race et de classe, elles les relient à un mouvement plus global, tout un courant spirituel, pacifiste et contre-culturel de la fin des années 60 et du début des années 70 porté par : Love is all we need ! »
Ce sont Évelyne Axell, Brigitte Bardot, Marion Baruch, Pauline Boty, Martine Canneel, Lourdes Castro, Judy Chicago, Sister Corita Kent, France Cristini, Christa Dichgans, Rosalyn Drexler, Jane Fonda, Ruth Francken, Giosetta Fioroni, Angela García, Jann Haworth, Dorothy Iannone, Jacqueline de Jong, Kiki Kogelnik, Kay Kurt, Nicola L, Natalia LL, Ketty la Rocca, Milvia Maglione, Marie Menken, Lucia Marcucci, Louise Nevelson, Isabel Oliver, Yoko Ono, Ulrike Ottinger, Martha Rosler, Niki de Saint Phalle, Carolee Schneemann, Marjorie Strider, Sturtevant, Hannah Wilke, May Wilson, etc. qui nous entraînent dans cette petite revolution !
A l’occasion des 30 ans du Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de Nice, l’exposition She-Bam Pow Pop Wizz ! Les Amazones du Pop, revient sur un axe fort de l’histoire du MAMAC de Nice : le face à face entre la France et les États-Unis et les mouvements d’emprunt entre le Nouveau-réalisme et le Pop.
Derrière l’artiste franco-américaine Niki de Saint Phalle, figure emblématique de la collection du musée, c’est toute une génération (européenne et nord-américaine) d’amazones de l’art qui est remise à l’honneur. Cette exposition retrace pour la première fois en France, et en Europe à cette échelle, l’histoire ouverte d’une génération de femmes qui ouvrirent entre 1961 et 1973 le chemin d’un univers alternatif et contribuèrent à l’histoire du Pop.
1.200 mètres carré. Près de 40 artistes internationales d’Europe et des États-Unis. 165 œuvres (installations, peintures, films, assemblages, etc.) et archives en provenance du Centre National des Arts Plastiques, Centre Pompidou, Paris – Musée national d’art moderne/centre de création industrielle, TATE (Londres), Ixelles Museum (Bruxelles), Mu.ZEE Ostende, Niki Charitable Art Foundation (San Diego), Nicola L. Studio (Los Angeles), Kiki Kogelnik Foundation (Vienne), Evelyn Axell Estate (Belgique), Galerie Air de Paris (Paris), Galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois (Paris), Galerie Serroussi (Paris), Frittelli Arte Contemporanea (Florence), Punto Gallery (Valence), Fondation Gandur pour l’Art (Suisse), GalerieNagel Draxler (Berlin), CFA Galerie (Berlin), Galerie Garth Greenan (New York), GalerieAlbertz Benda (New York), Galerie Pavel Zoubok (New York), entre autres…
3 octobre 2020 – 28 mars 2021
Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain
Place Yves Klein, Nice
Très interessante expo où les femmes sont mises à l’honneur, médias, presse tous enthousiastes.
A voir sans modération