ÉCOLE (s) DE NICE.
ÉCOLES (s) DE NICE.
« À Nice, un jour de l’été 1947, trois jeunes hommes se font la promesse d’un partage du monde : Yves Klein, maître de l’IKB en devenir, s’approprie l’infini bleu du ciel ; le poète Claude Pascal s’empare de l’air et reviennent à Arman, futur maestro de l’appropriation d’objets, la Terre et ses richesses. De ce pacte mythique et désinvolte, naît une constellation de fulgurances, de gestes et de rencontres qui déferlera sur la Côte d’Azur jusqu’à bouleverser l’histoire de l’art. À Paris, en 1977, le Centre Pompidou célèbre cette aventure avec l’exposition « À propos de Nice » retraçant l’émulation artistique de 1956 à 1976 sous l’orchestration du grand agitateur et un des instigateurs de cette épopée : Ben. »
C’est ainsi que débutent les textes du dossier de presse, du catalogue, des nombreux articles de magazines, en un mot, de tous les documents se référant à l’exposition Nice 2017 Ecole(s) de Nice.
Sans ce jour de l’été 1947, qu’aurait été le paysage artistique de Nice aujourd’hui ? On peut se le demander… Il fallait être sacrément jeune, inventif et courageux pour avoir une attitude aussi radicale face à Paris, et ces garçons auxquels il faut adjoindre Martial Raysse et Ben ne manquaient pas, en effet, de toupet !
Si l’événement phare de la manifestion est, sans nul doute, l’exposition du MAMAC : « A propos de Nice -1947-1977 », je commencerai cependant ma visite dans l’ordre qui nous est donné par Jean-Jacques Aillagon, le Commissaire général : « Nice à l’école de l’histoire » au Musée Masséna. Elle nous nous propose un panorama d’une histoire qui a fait Nice. A moins 400 000 ans nous sommes sur la plage de Terra Amata, domestiquant le feu, puis plusieurs millénaires plus tard, nous fondons Nikaïa avec les Grecs ; nous créons, avec Rome, Cemenelum (Cimiez) sur les collines. Les civilisations celto-ligures, le cosmopolitisme au XIXème siècle, les Wisigoths et Ostrogoths, complètent notre exploration et nous amènent au rattachement de Nice à la France en 1860… et à une somme d’événements importants qui s’échelonnent jusqu’à nos jours !
Cet étrange exercice qui, résumé ici irrévérencieusement, ressemble un peu à un inventaire à la Prévert, offre au visiteur sur tout le deuxième étage du musée plus de 200 pièces de qualité, sans incontournables chefs-d’œuvre (les Brea sont absents), mais qui toutes évoquent des moments riches et émouvants de l’histoire de Nice et de son territoire. Cette exposition, en tout cas, a fait naître dans le cœur de la Niçoise que je suis l’envie d’un lieu où cette histoire serait contée en permanence, autrement dit un musée !
Scénographie Kristof Everart & Marcel Bataillard
Jusqu’au 15 octobre 2017
Musée Masséna – 65, rue de France – Nice
www.nice.fr/Culture/Musées-et-expositions/Villa-Massena
Venons-en maintenant à cette Ecole de Nice qui a, depuis longtemps, fait couler beaucoup d’encre et dont le nom résonne en chacun de nous d’une façon différente.
Il n’était pas aisé pour Hélène Guenin, la toute nouvelle et jeune Directrice du Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de se livrer à cet exercice, et bon nombre d’artistes, critiques, galeristes ou simples Niçois, l’attendaient au tournant. Eh bien, elle s’en est sacrément bien tirée ! D’un œil neuf, mais fort bien documenté, elle a exploré ce mouvement qui n’en fut pas un, cette Ecole qui n’a eu comme maîtres que ceux qui le revendiquaient et comme élèves que ceux qui s’en donnaient l’étiquette, pour en tirer la quintessence, résumée en cette phrase placée en exergue de tous les documents : A Nice, un jour de l’été 1947, trois jeunes hommes se font la promesse d’un partage du monde : Yves Klein, maître de l’IKB en devenir s’approprie l’infini bleu du ciel ; le poète Claude Pascal s’empare de l’air et reviennent à Arman, futur maestro de l’appropriation d’objets, la terre et ses richesses.(…)
Partant de là, chacun peut, à loisir, fabriquer son « École de Nice » !
En ce qui me concerne, j’ai aimé le choix délibéré de la commissaire de mettre à l’honneur Martial Raysse (à qui Nice n’a jamais offert de rétrospective) avec à l’entrée de l’exposition : Soudain l’été dernier, 1963, une toile magnifique, puis Raysse Beach, 1962-2007, un environnement reconstituant un univers balnéaire ou encore Etalage de Prisunic. Hygiène de la vision n°1, 1960, et Arbre, 1960 (qui me rappelle ma rencontre à Prisunic avec Martial, mon copain de Beaulieu, en train d’acheter tous ces bidules). J’ai été littéralement enchantée par le moyen-métrage d’Agnès Varda, Du côté de la côte, 1958, une commande du Syndicat d’initiative de la Ville (on croit rêver !), un petit chef-d’œuvre d’humour et de vérité sur ce qu’ont été ces années-là sur la côte… J’ai apprécié d’Yves Klein : Monochrome bleu sans titre (IKB 67,1959, Portrait-Relief d’Arman (PR1),1962 et de nombreux documents photographiques passionnants ; j’ai déploré de ne trouver que peu d’Arman marquants, malgré Cachets, 1958, Sans titre, 1970 ; j’ai noté une présence trop importante d’œuvres de Claude Gilli, mais aimé certaines pièces très réussies, comme Lulu paysage, 1963 et la petite salle d’ex-voto ; j’ai retrouvé de beaux César (mais César, fait-il partie l’Ecole de Nice ?), Expansion n°3 La lunaire, 1970, Compression carton, 1975 ; j’ai aimé Robert Malaval avec Germination d’un fauteuil Louis XV, 1963…
Que vous dire encore ? Que Fluxus, rangé au chapitre d’Art de gestes et d’attitudes, est très abondamment représenté ; que Supports/Surfaces a aussi une large place, avec Daniel Dezeuze, Patrick Saytour, Bernard Pagès, André Valensi, Noël Dolla, Claude Viallat, Louis Cane et Toni Grand ; et enfin que le groupe 70, dont on découvre sur la photo figurant au catalogue qu’ils ont presque l’air d’enfants, compte bien cinq membres :Vivien Isnard, Louis Chacallis, Serge Maccaferri, Martin Miguel et Max Charvolen, mais que Louis Chacallis ne figure pas dans l’exposition (à moins de cécité de ma part) !
Je vous le disais, L’École de Nice ne peut être figée historiquement, car chacun la voit sous un angle particulier et y fait entrer ou sortir des membres qui correspondent plus particulièrement à l’inclination qui est la sienne.
L’exposition du MAMAC a évité cet écueil puisqu’elle a pour titre A propos de Nice : 1947 -1977 et couvre une période plus qu’une appartenance. Elle est vivante, colorée et séduisante. Elle est intelligemment mise en scène et bien accrochée sauf, petit bémol, la toile verte de Vivien Isnard ! Peut-on y voir, comme certains l’ont dit, une volonté de privilégier le marché en insistant sur des artistes bien défendus par leurs galeries ? Je la vois plutôt comme un intéressant parcours, non exhaustif et sans réelle chronologie, dans un moment de l’histoire de l’art à Nice marqué par l’insolence des attitudes, l’appétit pour l’irrévérence, une fascination pour les mythologies et les récits, ainsi qu’une soif d’exister en dehors de Paris.
Jusqu’au 22 octobre 201
MAMAC, promenade des Arts – place Yves-Klein – Nice
La Galerie des Ponchettes, sous le commissariat d’Hélène Guenin avec Elodie Antoine, présente une intervention in situ de Noël Dolla qui métamorphose l’espace de la galerie en réactivant à grande échelle certains moments de son parcours comme artiste appartenant au mouvement Supports/ Surfaces…
Jusqu’au 22 octobre 2017
77, quai des Etats-Unis – Nice.
109 The Surface of East Coast From Nice to New York.
Cette exposition propose un dialogue entre la génération des Supports/Surfaciens et la jeune scène artistique new-yorkaise. Commissariat Martens.
Jusqu’au 15 octobre 2017
89, route de Turin – Nice
Nice, 19 juillet 2017
Hé oui, cécité ! ou petit début de cataracte ? Louis Chacallis figure dans salle « La peinture en question » avec le Groupe 70 : sont présentées 4 ou 5 boîtes 40×50 x4 d’une série datant de 1972 contenant diverses expériences sur les matériaux et couleurs, bons travaux de la première période. J’en possède 3 de la même série, (que Louis avait je crois présentée à La Biennale de Paris en 1973), j’ai donc remarqué. Cependant, il est vrai que souffrant de n’être pas assez mondain ou courtisan, il est un des deux ou trois des actifs E d N oubliés (avec moi et ?) à n’avoir aucune reproduction d’oeuvre dans le catalogue… d’où l’impression d’ absence.
Pour ce qui est d’être Ecole de Nice ou pas, tout dépend de savoir si l’on parle de la vitrine ou de la participation à l’ensemble culturel et créatif durant la dizaine d’années où celui de Nice se distinguait du sommeil provincial français: dans ce dernier cas la présence de César me semble tout à fait justifiée.
Cordialement
Marcel Alocco
Merci Marcel pour cette correction qui montre bien qu’une bonne exposition ça doit se voir et se revoir, ce que je vais faire ; ça me permettra de présenter mes excuses à Louis Chacallis ainsi qu’à Hélène Guenin. Quant à César, sa présence longue et fructueuse à Nice a permis que nous le récupérions, mais je crois savoir, pour l’avoir assez bien connu, qu’il ne se considérait pas lui-même comme faisant partie de l’École de Nice. Ce qui est certain c’est qu’il se sentait et se revendiquait comme profondément marseillais !
Chère Hélène, les BREA sont présents dans l’exposition « Nice à l’école de l’histoire ». Les deux prédelles du retable de Sainte Marguerite y sont présentées dans le chapitre « L’invention de l’Europe ». Les primitifs font par ailleurs l’objet d’une notice développée dans le catalogue (par Corentin Dury).
Bien cordialement,
Aymeric
Cher Aymeric, merci de ce correctif amical et mesuré et de l’annonce du catalogue de
Corentin Dury