Édito de juillet.
Écrire après l’attentat de Nice, ça m’a été impossible et aujourd’hui encore je m’essaye à cet exercice avec répugnance, tant ajouter des mots aux maux me paraît indécent, et plus grave encore, inutile. Et quoi de plus terrible que l’inutilité des choses ? J’aime tant cet album d’Étienne Roda-Gil, «Utile», et cette chanson, titre de l’album et premier single, où l’on retrouve un Julien Clerc engagé «À quoi sert une chanson, si elle est désarmée ?»
N’est-ce pas ainsi que nous nous sentons, «désarmés», oui désarmés face à l’horreur de ces attentats, désarmés face à la trahison de ces individus, français pour la plupart, qui nous tuent, désarmés face aux calculs de politiques qui pensent à leur carrière bien plus qu’à leur pays ; sans armes, oui, physiquement, avec parfois l’envie mortifère d’en prendre une et de faire justice là où les autres ne le font pas pour nous !
C’est ce mal qu’ils tentent d’instiller dans nos cœurs, ces abominables criminels, une envie primitive, sauvage de vengeance, à laquelle il ne faut pas céder, qu’il ne faudrait même pas invoquer en pensée, et que pourtant je crie ici en évoquant mon inutilité…
Comment vivre alors, sans que nos pensées, nos gestes aient un sens ? Avec la foi en un monde meilleur, je n’y crois pas et comment pourrais-je y croire alors que des ordures tuent pour être récompensées par le ciel !
Sans aucun doute, en aimant passionnément ceux qui sont les nôtres, mais aussi, et c’est là que l’exercice devient difficile, en acceptant ceux qui nous entourent et qui ne sont pas forcément des nôtres, mais pas obligatoirement nos ennemis…
Quant à ces tueurs, indignes d’être des humains, oublions-les, leurs noms, leurs photos, les commentaires qui les concernent, ne tolérons plus qu’une certaine presse s’en délecte, et signons cette pétition qui le demande !
Laissons à la police, à la justice ce travail qui doit être fait avec notre aide, avec vigilance, mais dans le silence… Acceptons, exigeons même, que les réseaux sociaux, vecteurs d’ignobles propagandes soient sévèrement punis… Notre liberté, c’est avant tout celle d’avoir le droit de vivre et de vivre honorablement !
Voilà ce que j’écrivais en mars, après les attentats de Bruxelles : «Et on nous dit tout, ou presque, très vite, qui sont les auteurs de ces crimes, toujours ces abominables djihadistes dont je ne veux pas me souvenir des noms, tant ils sont pour moi comme une bande de cafards, qu’il faut écraser au plus vite ! Je perds mon humanité en parlant ainsi ? Oui, c’est vrai et c’est le plus horrible, justement, cette haine primale que ces fous sanguinaires peuvent faire naître en moi !»
Quatre mois ont passé et l’horreur est toujours plus violente, oui, c’est dur de garder en soi un peu d’humanité…
Je ne peux qu’adhérer à cette réaction. Voici ce que j’écris dans « Le mot du président » du « Nénuphar » (Défense, étude, rayonnement et diffusion de la langue française) à paraître en septembre : « Oui, quel qu’en soit le lieu, il est des actes odieux, d’une violence inouïe, insoutenable, injustifiable, quelque nation ou religion qu’on appartienne. Par l’ampleur du drame humain, ils paraissent rendre dérisoires les plaidoyers pour nos causes régulières, fussent-elles des plus nobles, voire indispensables pour la pérennité d’une société choisie, intellectuellement et culturellement riche, et constante dans ses valeurs de liberté et d’humanité. L’attentat du 14-Juillet à Nice a suscité un texte à chaud, une sorte de lettre ouverte qui me fut adressée. Je la publie page 2. […]