Édito de mai
Ah ce joli mois de mai ! On le tournait à Nice, dans les jardins de Cimiez, mais cette année il a plutôt fait tourner les têtes, avec les élections européennes ! A un âge où l’on a plus rien à perdre et surtout plus rien à gagner, oserais-je dire, comme mon vieil ami Portelatine – c’était son patronyme –, avec l’humour corrosif qui le caractérisait : « Je rends mon passeport à la Société.» C’est en effet mon envie, non pas partir, mais ne plus me sentir associée à ce peuple déboussolé qui court devant lui, sans savoir pourquoi, comme un canard sans tête.
Vous l’avez compris je suis en colère et quand on est en colère, on ne devrait pas écrire ! Pas écrire sur la politique, pas écrire à ses amis, pas écrire à ses amours, car la colère est un état qui passe, comme beaucoup d’autres, et attendre qu’il s’en aille est, en principe, ce qu’on appelle la sagesse.
Donc, je ne commenterai pas les résultats du Front national. Je l’appelle toujours ainsi, car Rassemblement National est une formule pompeuse qui repeint de vieilles idéologies dangereuses aux couleurs de la nouveauté, mais ce n’est qu’un subterfuge auxquels tant de gens se sont, hélas, laissés prendre, ne voyant pas que : « il lupo perde il pele ma non il vizio »*, comme disent les Italiens, pas ceux de Salvini, les autres ! Je dirai encore moins ma honte de constater que le vote RN a été encore plus important dans le Sud-Est qu’ailleurs en France. Je m’abstiendrai de souligner la virtuosité du Président de la République à faire des élections européennes un plébiscite pour son parti, n’arrivant finalement qu’à faire monter le RN, et gommant au passage les autres alternatives…
Je ne commenterai pas la Palme du Festival de Cannes, refusée, avec perversité, à Pedro Almódovar qu’on sélectionne chaque fois, pour ensuite le jeter aux orties comme un vieux cinéaste démodé, alors qu’il a fait là le plus beau film de sa longue carrière.
Je dirai, en revanche, combien j’en veux à Michel Serre, de nous abandonner à la bêtise humaine, nous privant de sa pensée brillante et indulgente, exprimée avec une telle clarté qu’elle nous ferait croire, un instant, que nous sommes devenus intelligents… Une pensée, enfin, pour Michel Barjol, l’âme de la galerie Martagon, à Malaucène, dont la disparition rend orphelins de nombreux artistes dont je me sens proche.
* « Le loup perd son poil, mais pas son vice »