Édito de mars 2019
Je ne voulais plus faire de mon édito une chronique nécrologique et je m’étais juré de laisser les deuils de côté, mais en ouvrant mon ordinateur, j’ai lu qu’Agnès Varda venait de mourir ! Ma chère, notre chère Agnès, la femme la plus extraordinaire qui soit, justement parce qu’elle n’a jamais cherché à l’être !
Merci à Arte de nous avoir deux donné à voir dernièrement deux films essentiels dans son œuvre et je dirais, fondamentaux pour le cinéma français, Cléo de 5 à 7, où pour la première fois, peut-être, le cancer touchant une très belle femme était évoqué au cinéma et l’inracontable Sans toit ni loi, cette errance d’une jeune marginale, vécue avec maestria par Sandrine Bonnaire – la scène ou Sandrine boit un digestif avec la vieille dame que ces enfants vont mettre dehors, est un chef d’œuvre de tendresse et de drôlerie – . Arte nous a aussi fait entrer dans le monde de Varda par deux documentaires qu’il vous faut absolument voir si ce n’est pas déjà chose faite.
Cette pionnière de la Nouvelle Vague, La Pointe Courte, cette amoureuse de son mari Jacques Demy, cette féministe, cette étonnante photographe, cette cinéaste passionnée des rivages – Les Plages d’Agnès, et de la France profonde Visages, Villages qu’elle réalisa avec le photographe JR, cette femme libre, artiste césarisée, oscarisée pour son œuvre, plasticienne à 70 ans, pour laquelle le Centre Pompidou organisa « événement Varda » – de novembre 2015 à février 2016 –, une exposition de photos inédites qu’elle réalisa en 1962 à Cuba, vient de nous quitter à 90 ans.
Je l’aimais, l’admirais, la respectais et lors d’un de mes voyages à New York, je me suis trouvée à ses côtés dans le salon VIP de Roissy où nous attentions notre avion qui avait du retard. Elle était seule et j’ai réalisé combien cette femme monumentale était petite, timide et un peu perdue…Je lui ai dit de ne pas s’inquiéter et nous sommes allées, côte à côte, dans les couloirs de l’aéroport rejoindre notre avion.
Je ne lui ai pas dit mon admiration ni même que je l’avais reconnue, elle s’en serait moqué sans doute, elle avait simplement besoin qu’on la rassure…
Elle aurait ri, Agnès, de savoir qu’on traitait de vieille femme, Geneviève Legay, la porte-parole d’Attac 06 qui a été renversée par un policier, alors qu’elle manifestait, à Nice, pour la liberté de manifester et à qui le Président de la République a conseille d’être raisonnable à 73 ans ! Avait-elle été raisonnable Agnès ? Sa liberté, elle l’a gagnée par son talent, son travail et son courage de femme dans un monde d’hommes, et pas simplement en brandissant un drapeau …
Cela dit, bon rétablissement Madame Legay.
C’est quoi être raisonnable pour une « vieille femme » ? Entrer dans un EPAD pour attendre que la mort vienne?
Merci Hélène, Merci Agnes, Merci Geneviève. Exister, s’indigner et résister jusqu’au bout, notre devise de « vieilles femmes »
Jany Pedinielli