Édito de mars

Comment parler de ce qui nous arrive, à chaud, sans tomber dans ce que nous subissons chaque jour, une surinformation sur cette pandémie qui touche le monde entier et dont nous suivons, par les médias et par ceux qui sont au feu, l’avancée inexorable, confinés dans notre inquiétude, anxieux pour nous, pour les nôtres et pour ce monde qui allait déjà mal et s’en plaignait sans y croire vraiment. Que dire à ces collapsologues qui nous annonçaient une fin du monde pour dans quelques centaines d’années, si ce n’est que leurs prédictions sont exhaussées au-delà de ce qu’ils pensaient, puisque tout les jours des milliers d’humains perdent la vie sans avoir, pour la plupart, fait quoi que ce soit pour en être la cause, sinon exister.

Je peux vous paraitre amère face à ces désastres annoncés qui cherchaient à nous culpabiliser, surtout nous les anciens, nous rendant responsables d’une mondialisation galopante, mais je savais comme ceux qui ont vécu la Seconde Guerre mondiale, qu’un catastrophe ça peut vous tomber dessus sans crier gare, n’épargnant personne, même les puissants, alors que quelques, jours, quelques heures avant, on trinquait à la paix.

L’étrange coïncidence pour moi est que j’écris en ce moment un roman au titre prémonitoire : « Tu reviens quand ?», dans lequel mes souvenirs d’enfant pendant la guerre 1939-1945 ont une large place. On y lit, entre autres, ce qu’une catastrophe apporte de peur, de privations, de contraintes, de chagrins mais aussi, surtout quand on est jeunes, de découvertes et d’aventures de la vie.

Peut-être l’introduction de mon livre vous laissera entendre qu’avec le recul, les choses prennent une autre couleur, et que resteront surtout ces moments où nous nous sommes sentis unis aux autres, où nos amis ont pris de nos nouvelles et inversement ; où nous avons honoré, remercié ceux qui sont au combat pour notre santé, où des liens distendus se sont miraculeusement resserrés et où, confinés, nous avons renoué avec la lecture, la musique, la méditation, et pourquoi pas, la flemme !

Confinez-vous, c’est le meilleur moyen, pour l’instant de venir à bout de cette saloperie de Coronavirus.

Avant-propos de  « Tu reviens quand ? »

Il en va de notre enfance comme du reste, avec le temps les souvenirs s’effacent. Certains cependant, tenaces, reviennent inlassablement. Souvent cocasses, douloureux bien des fois ou simplement anodins, ils resurgissent sans être invités, tramant à leur façon une histoire qui n’a rien d’un livre de souvenirs, mais qui se construit d’une façon assez aléatoire sur ce qui nous reste en mémoire et sur ce que notre entourage nous raconte de nos premières années. Ce sont dans ces résidus que je me suis plongée, un peu comme on farfouille dans un grenier pour chercher à en exhumer des objets dont nous savons qu’ils nous ont appartenu, mais dont, en même temps, nous doutons de l’existence.

Pour avoir en moi, après tant d’années, cette blessure ouverte dont la simple évocation m’arrache encore un sanglot ou hante mes nuits avec la même cruelle acuité, je sais depuis toujours que le seul moyen de mieux supporter cette souffrance serait de l’exprimer. C’est ce que j’entreprends de dire aujourd’hui, non pas avec les mots de l’enfance, je serais bien incapable d’en retrouver la fraîcheur, mais avec ces morceaux de souvenirs de lieux, de présences, de paroles, d’odeurs ; tout ce qui a peuplé les dix premières années de ma vie.

De cette époque tant de fois racontée puisqu’il s’agit d’années qui précèdent la Seconde Guerre mondiale jusqu’après la Libération, l’enfant que j’étais n’a rien retenu qui mérite les honneurs des livres d’histoire, mais ce que j’en ai gardé a pourtant à voir avec ces événements charnières du XXème siècle qui, pour ceux nés après, semblent venus de la nuit des temps. Ce ne sont pas dix ans qui séparent les enfants de 1937 de ceux de 1947, mais un monde ! Pour avoir pris conscience très tôt, sans doute à la faveur de ces moments très particuliers qui ont bouleversé l’histoire, qu’on peut tout perdre en un instant mais aussi trouver dans les événements les plus bénins une source incomparable de plaisir, je regarde mes dix premières années comme les plus heureuses de ma vie.

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