Édito de novembre
Quel exercice délicat que cet édito de novembre, alors que l’ombre de la Covid-19 plane sur tout ce qui se dit, se pense, se discute, et qui est accepté ou refusé, mais jamais ignoré. Donner son avis devient un exercice périlleux qui risque de vous classer dans un camp ou dans l’autre, mais jamais au milieu, car la première victime de cette pandémie et de sa gestion politico/scientifique, est indéniablement la nuance, du moins celle qui devrait régir nos actes, nos idées et nos paroles.
Tout le monde croit savoir, sait et parle. Être d’un avis différent de celui de votre interlocuteur vous range, soit parmi les godillots, soit chez les complotistes, et ce, irrémédiablement. Tenant à ne me fâcher, ni avec ma famille, ni avec mes amis, ni avec mes lecteurs, j’ai tenté, compte tenu de leurs profondes différences à tous, de me livrer à l’exercice dangereux d’être d’accord avec tout le monde, mais ce rôle de béni-oui-oui n’étant pas de mon registre, je me suis heurtée à des convictions plus violentes que les miennes et j’ai finalement renoncé à donner mon avis.
Pour ne pas être prise au piège de mes contradictions ou de mes contradicteurs, j’ai préféré me tourner vers la sémantique, mais là encore, le terrain est glissant et donner nettement sa perception d’un mot vous classe vite parmi les progressistes ou les vieux cons (au féminin dans mon cas). Se référer au Larousse, au Robert et même à Wikipedia, ne vous assure plus d’être dans l’incontestable pour clouer définitivement le bec à vos interlocuteurs, qui eux ne se gênent pas pour vous assener des mots qui n’existent pas, ou pas encore, disent-ils… Allez chercher complotiste ou de sachant dans le dictionnaire et vous viendrez me voir !
Alors, où m’aventurer qui ne soit pas sujet à discussions et polémiques ? Je me suis tournée vers la grammaire, qui selon le Larousse, est un ensemble des règles qui président à la correction, à la norme de la langue écrite ou parlée… Ce coup-ci, j’allais pouvoir me vautrer dans mes certitudes, puisqu’il s’agissait de règles. Eh bien, cette fois encore, c’était ignorer ce dont le pouvoir est capable afin de mettre tout le monde dans son sac. Prenez, par exemple, ces pronoms démonstratifs bien innocents : celui, celle, que j’emploie comme l’exige mon livre de grammaire et l’usage qu’on en fait depuis des lustres. Que s’est-il passé pour que tous les politiques relayés par les journalistes de gauche comme de droite, nous assènent à tour de discours ou de pages du : celles et ceux ? Sommes-nous grandies en avantages et considérations, nous, femmes, depuis qu’on nous mentionne en premier lorsqu’on s’adresse à nous ? Ne s’agit-il pas plutôt de cette affligeante bien-pensance actuelle qui se dédouane, à moindre frais, des injustices immémoriales faites aux femmes?