Édito d’octobre
Brassens aurait cent ans ! J’ai lu ça je ne sais où, et j’ai vu défiler toute ma jeunesse et mes émotions musicales… Chaque année, on attendait le nouveau Brassens comme les poivrots attendent le Beaujolais nouveau, mais nous, ce n’était pas de la piquette qui allait nous désaltérer, mais un nectar fin, subtil ; un assemblage de mots et de sonorités, servi par la douceur d’une voix que personne, hors Barbara peut-être, n’avaient fait couler dans nos oreilles.
Je les entends les détracteurs, les ricaneurs, crier à la ringardise et je m’en moque car le plus souvent ils ne connaissent de Brassens que « Gare au Gorille », même si l’allégorie de cette chanson reste aujourd’hui encore, un petit chef d’œuvre d’audace et d’impertinence, autrement plus cuisante que le provocateur et violent JoeyStarr, déjà ringard aussi.
Jeu de hasard encore, je reçois ce matin sur facebook, la retransmission d’une séquence du Grand Échiquier de Jacques Chancel, où Lino Ventura réclame à Brassens « Les Passantes ». Si vous tombez dessus, vous comprendrez ce qu’était un Direct à la TV, ce moment de grâce où notoriété rimait avec talent, simplicité, intelligence… Alors les larmes aux yeux j’ai écouté « Les Passantes » que Brassens chante avec une douceur étonnante, pour saluer ensuite Antoine Pol, le poète qui l’a écrite. Quel magnifique hommage à la femme, ces mots simples que Brassens savait, lui aussi, trouver, même si les pharisiens d’aujourd’hui veulent déboulonner son nom des places publiques. Je pense avec émotion à Jeanne : « Être mère de trois poulpiquets, à quoi bon !/Quand elle est mère universelle, /Quand tous les enfants de la terre, /De la mer et du ciel sont à elle… » Ou à La non demande en mariage : «Laissons le champ libre à l’oiseau/Nous serons tous les deux/Prisonniers sur parole/Au diable les maîtresses queux/ Qui attachent les cœurs aux queues des casseroles. ». Refrain : « J’ai l’honneur de ne pas te demander ta main/ Ne gravons pas nos noms au bas d’un parchemin.
Je les entends : « encore une qui trouve que c’était mieux avant… » Non, j’aime bien vivre l’époque actuelle, même si elle a perdu pour moi certaines saveurs de la langue française. L’actualité, je la butine, je m’y promène, ne prenant que ce qui me convient et laissant à d’autres, la course au nouveau, au sensationnel…
Si un édito mensuel se doit d’être un bilan du mois échu, j’ai failli à ma tâche et ne vous ai parlé, ni sondages, ni élections, ni voitures électriques, ni COVID, ni grand remplacement… Juste d’un peu d’émotion devant le talent !