Florian Pugnaire « Mechanical Stress », Galerie Eva Vautier
Bien que vivement intéressée par l’exposition de Florian Pugnaire chez Eva Vautier, c’est pourtant tardivement que je m’exprime, cette fois pas à cause d’une adresse e-mail volée, mais d’une longue fâcherie avec Wetransfer qui se refusait à mes tentatives, sans doute maladroites, d’ouverture… La chose étant réglée, je ne peux que vous engager à faire un tour à galerie, vous avez jusqu’au 31 décembre 2016.
J’ai jusqu’ici suivi avec intérêt le travail de Florian Pugnaire et David Raffini, aussi bien au Palais de Tokyo que chez des collectionneurs privés, des foires d’art ou dans leurs ateliers aux Abattoirs à Nice… Plus qu’un intérêt, c’est une implication dans le parcours de Florian Pugnaire dont je peux faire état, puisque, lors de l’exposition A l’origine Nice dont j’étais la commissaire en 2012, pour la galerie Marlborough de Monaco (hélas disparue), j’ai choisi de présenter une pièce de Cédric Teisseire en collaboration avec Florian Pugnaire…

A gauche, Sans titre, 2016, acier inoxydable, cadre laqué noir
A droite, Sans titre, 2016, aluminium laqué
Chez Eva Vautier, c’est la première fois que je rencontre le travail de Pugnaire en solo. Je vous engage à aller le voir et j’insiste aussi pour que vous lisiez le beau texte de Pauline Thyss sur l’artiste, texte auquel j’ai emprunté quelques définitions, une précision à laquelle je tiens tout particulièrement, tant je lis aujourd’hui, de la part de critiques ou journalistes, des copiés/collés puisés dans les dossiers de presse des structures concernées.
Dans cette exposition, Florian Pugnaire met à contribution ou plutôt contraint l’espace de la galerie à se soumettre à cette notion de tension qui habite en permanence son œuvre. Il agresse les parois, les griffe de scarifications profondes, ou alors, faisant fi de toute barrière, joue les passe-muraille pour laisser à une œuvre monumentale la liberté de se montrer, tel Janus, sous ses différentes faces… Je tiens à saluer ici le courage d’Eva Vautier qui ne recule pas devant cette exigence de transformation de son espace d’exposition, consciente de l’impact qu’elle peut produire sur le public.
Mais cette radicalité n’est pas constante, d’autres pièces plus sages, dirons-nous, en tous cas plus accessibles pour des collectionneurs, occupent les cimaises. Elles expriment une autre préoccupation de l’artiste, ce besoin de contrainte et de déformation imposé aux matériaux : aluminium, acier inoxydable, etc., par l’emploi de sangles, l’intervention de cadres laqués noirs… Cette rencontre entre le rigide et le souple me rappelle étrangement le corsetage par l’acier ou l’aluminium des chambres à air de Philippe Sommerhalter, que j’avais exposées dans ma galerie en 88… Mais foin de comparaison, les artistes n’aiment pas ça, et la sculpture n’est pas le seul médium avec lequel Pugnaire croise le fer ; il excelle aussi dans le cinéma, la vidéo et les installations.
C’est à Pauline Thyss que je cède la parole pour nous dire, avec ses mots, qui est Florian Pugnaire : « (…). Des aller-retour constants entre sculpture, cinéma et vidéo constituent les principes fondamentaux de sa pratique : les médiums s’y croisent, s’interrogent et se répondent autour de la notion de work in progress. Convoquant les univers de l’atelier et du chantier, Florian Pugnaire s’intéresse aux opérations constitutives de la fabrication. Utilisant des matériaux traditionnellement employés dans la construction (plaques de plâtre, tôle, plomb), il s’intéresse à leurs propriétés physiques, leur résilience, leur rémanence… que l’on mesure grâce à la contrainte mécanique, ou mechanical stress. Cette notion, utilisée en sciences des matériaux, évalue la capacité élastique et plastique d’un élément à absorber des effets de torsion, de tension ou de pression. Florian Pugnaire s’appuie sur certaines spécificités – la souplesse du plomb, la résistance du métal, la fragilité des plaques de plâtre – auxquelles il impose une force de travail pouvant parfois mener les matériaux jusqu’à leur point de rupture. Pour cela, l’artiste fait appel à des outils mécaniques comme des sangles, des treuils, des palans et des vérins hydrauliques qui font parfois partie intégrante de l’œuvre. Cet outillage est détourné de son application ordinaire pour opérer des contraintes et des déformations, créant un vocabulaire plastique dont l’esthétique industrielle, ici, tourmentée, tend vers l’effondrement, la ruine, la dégradation. (…). »
Jusqu’au 31 décembre 2016
Galerie Eva Vautier – 2, rue Vernier – 06000 Nice