François-Xavier Orsini, portrait
Des impondérables m’ayant contrainte à déplacer à plusieurs reprises les dates de l’exposition de François-Xavier Orsini, dont le plus incontournable a été cette pandémie qui nous à obligés tous à rester chez soi sans y recevoir personne.
Aujourd’hui François-Xavier et moi, nous pensons être suffisamment raisonnables pour arrêter la date de 8 octobre 2020 pour présenter son travail Chez Lola Gassin. Les dates des calendriers artistiques n’étant pas encore fermement arrêtées, si toutefois une grande manifestation venait à se positionner le même jour, nous décalerions notre vernissage d’une huitaine. de toute façon, vous en serez informés par le carton d’invitation.
En attendant, je vous propose de découvrir ou de retrouver François-Xavier dans l’entretein que j’ai eu avec lui.
Portrait de l’artiste.
Un environnement familial prédestinait-il François-Xavier à être artiste ? Sans doute, car sa mère, pianiste, dessinait et peignait pour son plaisir, sa tante enseignait le dessin à l’école préparatoire Villa Sainte-Clair de Sète, son frère était graphiste et l’entourage amical de ses parents était propice à l’art en général, qu’il s’agisse d’architectes, de designers, d’artistes dont il a très tôt partagé les préoccupations et les goûts pour une certaine qualité de vie.
François-Xavier dessine dès le collège. Très tôt il s’enthousiasme pour le graffiti, dans l’esprit de créer la notion de volume par l’écriture. Il aborde la perspective, la couleur pour restituer cette perception en trompe l’œil des formes, ce qui annonce peut-être, sans qu’il le sache, le travail des dessins futurs.
Il suit les classes préparatoires de la Villa Thiole, à Nice, dans l’idée d’intégrer l’École nationale supérieure du paysage de Versailles. Là encore, on pourrait voir dans sa passion pour les végétaux et les arabesques qu’ils dessinent dans l’espace, les prémices du travail qui le fait remarquer dès ses premières participations à des expositions de groupe, notamment avec ces dessins qu’il nomme : les poulpes.
Mais ne brûlons pas les étapes, revenons à sa formation. Il suit une année à L’Ecole Municipale d’Arts Plastiques (EMAP Villa Thiole), Nice puis s’inscrit en BTS à l‘Ecole supérieure du paysage, Antibes, sans trouver pour autant sa place dans cet enseignement très scolaire. Il retourne un an à la Villa Thiole pour préparer le concours d’entrée à la Villa Arson, Nice.
Quand on lui demande ce qu’il a proposé pour être accepté dans cette école très sélective, il dit : « ma présentation avait un côté très Support-Surface. J’avais mis à profit mes connaissances dans l’étude des matériaux de jardin, cadres grillagés, fils de fer, bobines, etc., conçus dans un rendu très abstrait, ce qui m’a ouvert les portes de la Villa Arson, m’a permis d’en suivre le cursus et d’en sortir en 2005, diplômé. »
Désormais cette orientation incontestablement artistique est acceptée par son entourage, d’autant plus facilement qu’il traverse une période difficile de questionnement sur lui-même, sur son devenir.
François-Xavier Orsini vit ces années d’études à la Villa Arson comme une période satisfaisante. Il a de bons rapports avec les autres étudiants, avec ses professeurs. Jacques Julien et Pascal Pinaud le marquent particulièrement. Il entend une parole ancrée dans le réel qui lui correspond, et dès lors il va appliquer un conseil : « fais, et après tu vois ! ». Cette injonction sera toujours présente à son esprit et il en fera une règle pour mener ses recherches.
A la question sur ses références artistiques, il répond : « mes modèles ou plutôt mes préférences vont à des artistes tels que Donald Judd, Tony Smith, Richard Deacon, Richard Fauguet, l’Arte povera et particulièrement Pino Pascali…
Il s’enthousiasme pour la musique dont il connait les sources, qu’il pratique, qu’il mixe et dont il utilise les supports, même au-delà du son. En fin d’études à la Villa Arson, il aborde ce médium, mais contrairement à Christian Marclay, par exemple, pionnier dans l‘usage instrumental des platines vinyles pour créer des collages sonores et qui explore les connexions entre son, photographie, vidéo, et film, Orsini réalise des pièces qui s’intéressent plus à l’objet disque qu’au son qu’il émet. C’est, pourrait-on dire, le début de son travail professionnel.
Que se passe-t-il désormais pour l’apprenti artiste qu’il est, une fois son diplôme en poche ? Travailler, expérimenter, réfléchir, s’insérer dans un milieu professionnel, et… trouver un atelier ! Orsini galère pendant quatre ans, dessine sur la porte de sa chambre avant d’avoir un studio aux Ateliers Spada, mais là encore, trop exigu pour l’espace architectural qu’il a en tête. Les dessins des sculptures impossibles représentées dans sa recherche actuelle ne sont pas uniquement une figuration d’objets car elles viennent d’une existante matérialité, issues de ces petites maquettes qu’il fabrique et auxquelles il impose une série de transformations pour ensuite les photographier et les enfermer dans des cadres, scellant de la sorte le processus secret de leur création. « J’agis ainsi, dit-il, à l’inverse d’une tendance qui veut que l’artiste décortique et expose toutes les étapes des processus de création qui font partie inhérente de l’œuvre… ».
Mais, encore une fois ne brûlons pas les étapes, nous parlerons de l’œuvre ensuite. J’ai rencontré François-Xavier Orsini en 2007 alors qu’il participait à une exposition de groupe : With a little help from my friends, qui réunissait une bande de copains autour d’un marchand de skate qui allait fermer boutique. Afin de finir en beauté, il avait proposé à ces jeunes artistes, dont Pierre Descamps, Xavier Theunis, etc., de mettre à leur disposition le matériel qui compose l’univers du skate pour créer des œuvres.
C’était une des meilleures expositions de l’année à Nice, tant les pièces présentées étaient libres, inventives, joyeuses et à cette occasion j’ai acquis Flip-Flap, ce magnifique skate à cornes, sorte de trophée de chasse de l’univers de la glisse, dont l’aspect organique va se retrouver et se développer ensuite dans une série de grands dessins sur papier kraft que présente François-Xavier Orsini dans son exposition aujourd’hui. »
Cette coexistence entre deux types de travaux qu’on ne peut pas dire antinomiques, car des ponts existent, ne serait-ce en qui concerne les supports papier, la qualité du trait, le fini de l’objet… Doit-on cette diversité à la nature même de l’artiste qui interrogé dit à peu près ceci : « Ce refus d’avoir un avis tranché sur le monde, sur les choses, c’est sans doute le reflet de ma personnalité. Je ne suis pas pour le choix, pour la rupture entre les formalistes, l’art minimal, l’Arte povera etc. Mon intérêt, ma curiosité font que je me refuse à me spécialiser dans tel ou tel moyen d’expression. J’éprouve sans cesse le besoin d’explorer des voies nouvelles. C’est aussi pour cette raison que j’utilise différentes techniques : dessin, sculpture, vidéo… ».
Portrait de l’exposition.
Ce qui a été suggéré dans portrait de l’artiste, est énoncé ici précisément. François-Xavier Orsini dans son exposition, présente trois séries de travaux s’échelonnant entre les années 2007 et 2020.
Autour de la sculpture Flip-Flap, l’artiste expose de grands dessins sur papier kraft, qui provoquent un choc absolu entre la géométrie et la nature. Ses poulpes s’échappant d’une baignoire et d’un bac à douche, sont autant d’aventures où la rigidité du cadre accentue l’arborescence des formes animales. Une façon, dit Orsini, d’orchestrer une rencontre fortuite entre art minimal et l’Arte povera. La sculpture Fip-Flap se compose d’une planche de skate tenue en équilibre par des branches de bois. L’effet animal fantasmagorique est accentué par l’uniformité de la peinture brune qui recouvre la sculpture, pour accentuer à la fois son étrangeté formelle et sa matérialité indéfinissable. On touche là, à la problématique fondamentale du travail de l’artiste : questionner le spectateur, mettre en doute sa place face à l’œuvre et à la vision qu’il en a. Dans ses grands dessins, François-Xavier Orsini reprend les procédés utilisés au XVIIIème siècle, notamment la technique des trois crayons : sanguine, craie noire et crayon blanc, mais en les détournant.
Conversation, 2013, crayon de couleur et pierre noir sur canson, illustre la passion d’Orsini, tout au long de son parcours artistique, pour le design et l’architecture, mais aussi pour ce qu’il appelle le redessin. Une volonté, dit-il, de réduire les frontières entre art appliqué et art plastique. Pour ce dessin, il est parti d’une image d’un magazine d’architecture qui présentait les fauteuils « Pélican » du designer danois Finn Juhl. Orsini a redessiné ces sièges et les a disposés de façon à créer un dialogue imaginaire eux. Suggérer la présence par l’absence … Ces sièges très colorées agissent non plus comme des éléments fonctionnels, mais existent par leur forme et leur tonalité. Le fond crayonné à la pierre noire annule toute indication spatiale et neutralise le support. De surcroit, chaque assise est relié par une trace obtenue par l’arrachement d’un scotch et donne naissance à une forme transparente qui semble flotter au-dessus de cette mise en scène.
« PAF # » ou plus précisément Porte-à-faux, titre de l’exposition, Orsini réalise des volumes/maquettes en carton dans une esthétique empruntée au design et à l’architecture. Les volumes ainsi créés sont ensuite recouverts de feuilles de papier canson crayonnées, sur lesquelles Orsini créé l’ombre et la lumière, le but étant de donner une texture vibrante, humaine, à des volumes géométriques « froids ». La caractéristique de ce travail tient au décalage, car ce n’est pas le volume qui est montré, mais sa photographie. Le résultat donne naissance à un tirage numérique au format A3 réalisé, en studio photo. Le regardeur est mis devant un entre-deux, photo/dessin, et se trouve en porte-à-faux par rapport à l’objet observé.
« Dépouille # », la série la plus récente dans le parcours de François-Xavier Orsini, peut paraître pour l’œil novice, comme étant la plus élémentaire par sa simplicité, alors que sa complexité vient d’un processus nécessaire à la série précédente. Il s’agit ici de formats Canson A3 dans lesquels l’artiste découpe des structures qui seront les habillages des volumes géométriques de « PAF# ». Ces feuilles encadrées présentées en caissons, montrent des résidus d’un travail passé et fonctionnent comme des compositions abstraites, énigmatiques en référence aux courants de l’abstraction du début du XXème siècle.
Les dessins, les sculptures de François-Xavier Orsini s’emploient à dévoiler la force des images et leurs faces cachées, afin de confronter et de mettre en exergue le rapport passé/présent, le détournement, le redessin. En utilisant le design et l’architecture comme référents, il cherche à évoquer l’opposition entre le fonctionnalisme et le formalisme. « Je ne peux pas avoir, dit-il, un avis radical entre le Less is more de Meis van der Rohe et le Less is a bore de Robert Venturi. Ce qui m’intéresse c’est de montrer, souvent de manière détournée, humoristique et déroutante, un équilibre ou un jeu de va-et-vient entre l’organique et la mesure. »