Globalement OVNI*, plus particulièrement, Camera, Camera…
Salon d’art vidéo et d’art contemporain, à Nice.
L’objet n’est plus non identifié*, puisque il en est à sa troisième année d’existence, grâce à la volonté et la pugnacité d’Odile Redolfi, mais le pari n’a pas été facile, car il s’est agi de transformer l’originale initiative des chambres d’artistes, initiée par Bernard Redolfi, l’oncle d’Odile, dans l’hôtel Windsor, en un salon d’art vidéo. Délibérément tourné vers l’avenir, ce medium rencontre cependant, encore aujourd’hui, une difficulté à trouver une vraie place entre la photographie et le cinéma et à fidéliser, au-delà des institutions, des collectionneurs privés.
L’enjeu était doublement compliqué, car il s’agissait de conserver et développer deux entités complémentaires, la manifestation Ovni, fédératrice, sur une période de dix jours, de lieux publics et privés dévolus à l’art et ensuite, de clore cette exploration hors-les-murs, par Camera Camera, un Salon d’art vidéo et d’art contemporain, durant deux jours, au Windsor et dans quelques-uns des hôtels situés dans le proche voisinage.
Le challenge, celui tout au moins d’avoir conquis un public, a été largement rempli, même si la formalisation de l’événement et surtout sa communication ont parfois manqué de clarté.
Tout voir tenait du marathon, mais l’intérêt principal de la manifestation était, avouons-le, Camera Camera qui a réuni de bonnes galeries, principalement françaises, heureuses de se faire mieux connaître par le public de la Côte d’Azur et qui ont aussi largement joué le jeu d’attirer à Nice, des collectionneurs venant d’ailleurs.
Est-ce à dire qu’OVNI en Ville n’a pas été convaincant ? Certainement pas, mais peut-être faudrait-il concevoir la manifestation autrement, s’adjoindre une collaboration plus franche des divers acteurs culturels présents dans la ville, comme Botox’s, par exemple, qui n’a pas inclus Camera Camera dans son programme des visites du samedi, ou encore La Strada, unique mensuel culturel sur papier de la Cote d’Azur, qui n’a pas consacré une seule ligne d’annonce à un événement pourtant essentiel pour l’art contemporain dans la région.
Couvrir exhaustivement la manifestation, m’aurait contrainte à ne pas y participer, or j’ai été partie prenante d’OVNI en ville en présentant Instants seconds, une confrontation autour de la vidéo, entre Marcel Bataillard et Benoît Grimalt.
Ce que j’ai retenu le mon périple dans la ville :
En ouverture, le 16 novembre, Deux Frigos, Deux Ovnis, deux films présentés au 109, par le Forum de
l’Architecture : d’abord Sem Titulo (Sun 2500) de Joao Onofre, Portugal, 2010, qui nous donne à voir de magnifiques images, fortes de références cinématographiques, mais aussi une gageure d’architecte, l’intégration d’un bateau se découpant dans le bleu du ciel portugais, avant d’arriver à sa destination finale. Ensuite, Coreografias de Pedro Alonso et Hugo Palmarola, Chili 2016, une œuvre absolument hilarante et diablement rythmée. Les auteurs ont puisé dans les dessins animés des USA et une chorégraphié russe de panneaux de béton, pour mettre en scène Mickey, Donald, Olive, et des danseurs très académiques, qui tous se jouent des lois de l’équilibre dans un ballet sur poutres métalliques… Devant cette représentation filmique du chantier comme archétype culturel et politique, j’ai pensé, avec admiration et irrespect à Fernand Léger… C’est graphique, coloré, construit, et éminemment drôle, pardon Maitre ! Au 109 toujours, La Station expose les dessins aquarellés des objets du quotidien d’Alain Biet. Ces portraits d’ustensiles composent Grands Canons, un film d’animation surprenant, .
Ovni en ville c’est aussi de l‘air, le magazine de Stéphane Brasca qui présente dans ses bureaux In search of Eternity III, un conte symbolique sur la quête de soi, par Brocbeck & de Barbuat. C’est aussi Ben qui organise une belle fête au César ; c’est encore à la Librairie Vigna, Trenzacion, une vidéo de Maque Peyrera et Verena Melgarejo Weinandt. Ce sont d’autres lieux enfin, comme le MAMAC, le Musée Terra Mata, le Palais Lascaris pour les institutions ou des galeries et lieux associatifs, comme Espace à Vendre, Galerie Eva Vautier, Moving Art, La Zonmé, Bel œil, La Providence, Chez Colette Soardi, Espace Gred, La conciergerie Gounod, La Passerelle, la Maison des Associations, L’Entre-Pont – Le Hublot, Le Frigo 16, La Traverse, Chez Lola Gassin.
Venons en maintenant à Camera Camera, le véritable cœur de la manifestation et une intéressante fenêtre sur l’art vidéo. Vingt-deux galeries françaises, à l’exception de la galerie Continua, invitée à occuper le jardin du Windsor, se partageaient les chambres. Si le temps, une fois encore, m’a contrainte à en zapper quelques-unes, je donnerai non pas mon palmarès, la manifestation ayant son prix, mais plutôt mes inclinaisons. Elles concernent les artistes que les galeries ont choisis mais aussi leur façon de les présenter en chambre !
Hélianthe Bourdeaux-Maurin, pour H Gallery Gallery, Paris, avec Histoire d’eaux, a installé son faux couple, ses fausses jumelles, enfin ses vrais artistes, Stéphanie Sagot et Emmanuelle Becquemin, du lit à la baignoire, dans une conte délicieusement burlesque de sirènes siamoises à la queue tricotée en mohair, magnifiant, parait-il, un féminisme qui, s’il est militant, a le double avantage ici d’être drôle… Moins léger mais tout aussi prenante, Crash Box la vidéo d’Anne Valerie Gasc nous fait rentrer au cœur d’un processus de démolition. Elle est présentée par Un-Spaced, Paris, avec le dispositif impressionnant permettant sa réalisation. Alexandre Gérard choisi par la Galerie Porte Avion, Marseille, nous fait partager ses rêves parlés et ses émotions muettes, grâce à des vidéos qui s’accommodent fort bien du lit à baldaquin qui les reçoit. Dans la vidéo Scruffy shot, Pauline Brun, pour la Galerie Eva Vautier, Nice, met en scène des êtres en combinaisons blanches, aux mouvements étranges, qui tripotent, manipulent d’autres pantins dans un ballet plein de non-sens et de tendresse. Les Dormeurs, l’installation de Samuel Rousseau présentée par la Galerie Claire Gastaud, Clermont-Ferrand, donne une vie aux pierres en mêlant une projection vidéo à des cailloux de granit simplement posés sur un lit.
Pour Double V, Marseille, Sylvain Couzinet-Jacques a réalisé Sub Rosa, une installation vidéo prise sur l’Arc de Moncloa, un monument franquiste abandonné, où le soir venu, des jeunes se retrouvent. Magnifiques portraits projetés sur écrans décalés de garçons et de filles, dans un entre deux, une vacuité…
Pour conclure, la galerie Eva Galerie Hober, Paris et Moving Art, Nice, ont été les primées de Camera Camera…
*Une mention spéciale à Cheminée aux livres de Pierrick Sorin, à découvrir dans le restaurant de l’hôtel.
*Objet volant non identifié, généralement signalé sous l’acronyme ovni*, désigne un phénomène aérien qu’un ou plusieurs témoins affirment avoir observé sans avoir pu l’identifier, ou encore une trace qui peut avoir été enregistrée par différents types de capteurs (caméra vidéo, appareil photo, radar, etc.) mais dont on ne connaît pas l’origine ou la nature exacte.