Gustav Metzger « Remember Nature »
Gustav Metzger au MAMAC, Vivien Roubaud aux Ponchettes, La doublure et Go Canny à la Villa Arson, voilà de quoi solliciter nos neurones ! En effet, ces trois expositions nous interrogent et font appel à notre réflexion, à nos convictions, en un mot, à notre cerveau, plutôt que chatouiller notre nerf optique dans une contemplation simplement passive…
Remember Nature, l’exposition de Gustav Metzger, si je commence par elle, privilège de l’âge et de la notoriété, marque l’orientation qu’Hélène Guenin, la nouvelle directrice du MAMAC, souhaite, il me semble, mettre en avant par ses commissariats : celui de l’économie ! Attention, je ne l’entends pas dans le sens unilatéral d’économies et de finances, mais dans celui plus philosophique de retenue et de modération, qualités rares si l’on en juge par ce qui se passe dans le monde aujourd’hui ! Pourquoi ai-je choisi pour les orientations d’Hélène Guenin ce qualificatif (qui d’ailleurs l’a fait sourire), c’est qu’aussi bien dans la très sensible exposition de l’artiste d’origine portugaise Marco Godinho à la galerie contemporaine du MAMAC, que dans très belle monographie Prototype improvisé de type « nuage » de Yona Friedman à la galerie des Ponchettes cet été, il s’est agi, déjà, de faire bien et beaucoup avec presque rien…
La présentation de l’œuvre de Gustav Metzger, sous forme de monographie, visite les grandes étapes du long et riche parcours de l’artiste : Art auto-destructif, Art auto-créatif, Plaidoyer pour une nature en péril, Mass Media : Today and Yesterday… et participe largement à cette volonté d’économie… Elle illustre aussi les préoccupations majeures de Metzger dans lesquelles Hélène Guenin se reconnaît : des questionnements sociétaux, environnementaux et écologiques. Ajoutons à cela qu’Hélène Guenin nous ouvre des horizons que ne nous ne connaissions peut-être pas, moi en tout cas, et remplit ainsi une fonction essentielle, celle de former un public en lui révélant les sources de cet art contemporain que parfois il a du mal à comprendre, ignorant les étapes des recherches abordées depuis les années soixante par des artistes comme Metzger.
Acteur majeur des avant-gardes de la seconde moitié du XXème siècle, Gustav Metzger, nous dit la plaquette du MAMAC, a contribué, dès la fin des années cinquante, à la redéfinition de l’art. Il explore en effet de nouvelles modalités de création : manifestes, performances, œuvres éphémères à réaliser d’après instructions, appels à participation du public, intérêt pour des œuvres en processus et soumises à métamorphoses, etc. il ouvre également l’art aux sujets de société. Dès 1960, il développe ainsi une réflexion précoce sur les revers de la société de consommation et les problématiques écologiques qui demeurent d’une brûlante actualité.
Revenons maintenant à l’exposition qui, je le soulignais plus haut, demande de mettre en branle notre cerveau, même si par ailleurs il nous faut savoir lire et regarder les images. L’œuvre est difficile, presque à l’opposé de la précédente exposition du MAMAC, celle d’Ernest Pignon-Ernest qui sollicitait avant tout notre regard… Pour avancer et comprendre le travail de Metzger, chacune des salles du musée porte un titre. La première est celle de l’Art auto-destructif. Peut-être faut-il rappeler d’où vient Metzger pour comprendre la violence de sa démonstration… Il naît en 1926 à Nuremberg dans une famille juive et se réfugie en Angleterre en janvier 1939, grâce à l’opération menée par les Anglais sous le nom de Kindertransport. Ses parents, eux, meurent en camp de concentration. Ce drame qui marque ses premières années suscite chez Metzger une posture artistique et militante, placée sous le régime de l’urgence. La performance de peinture à l’acide, The South Bank, de 1961, est réitérée au MAMAC le 7 février 2017 et c’est son résultat que le public peut considérer aujourd’hui…
Dans la salle 2 il s’agit de montrer ce qu’est l’Art auto-créatif : « Détruisez une toile et vous créerez des formes », dit Metzger. Dès 1961, il rédige un manifeste de l’art auto-créatif et se tourne vers la science et la technique pour explorer leur potentiel créatif. C’est matérialisé dans l’exposition par des œuvres comme Mica Cube auto-créatif, Dancing tubes ou encore, Liquid Crystal Environment… Enfin, salle 3, il s’agit de Plaidoyer pour une nature en péril, où Metzger sonne l’éveil des consciences de ses contemporains aux questions écologiques, à la disparition des espèces et des ressources par tous les moyens créatifs informatifs : installations, posters, présence dans les journaux, performances dans l’espace public, actions participatives… Reproduite à Nice, Mobbile, la performance de 1970, met en évidence la pollution automobile et l’intoxication du vivant, alors que Mass Media : Today and Yesterday convie le visiteur à faire sa propre revue de presse sur les enjeux environnementaux.
Pour mettre en résonance l’œuvre de Metzger avec les orientations et les collections du MAMAC, Hélène Guenin souligne que, comme les Nouveaux réalistes, il a commencé à travailler dans le contexte post-Seconde Guerre mondiale, abordant des questions sociétales ; et qu’il a beaucoup exploré, comme nous le voyons dans l’exposition, la question de l’autodestruction. C’est un thème récurrent de l’époque, que l’on retrouve dans les colères et explosions d’Arman, mais aussi chez Niki de Saint Phalle ou Tinguely ; une interrogation et une pratique caractéristiques de cette génération.
L’intérêt de cette exposition est aussi de montrer qu’on peut concevoir d’autres façons de travailler, dans la mesure où beaucoup d’œuvres ont été réalisées sur place, et font appel parfois à la participation du public. Cette façon d’œuvrer résonne d’une manière extrêmement pertinente avec des enjeux d’aujourd’hui, parce qu’elle demande peu ou pas de transport et s’inscrit dans une dimension écologique et la notion d’économie que j’évoquais initialement.
Dernière minute : Hélène Guenin, directrice du Mamac, nous fait part du décès de l’artiste Gustave Metzger.
http://www.lesinrocks.com/2017/03/02/arts/disparition-de-lartiste-gustav-metzger-pionnier-dun-militantisme-ecolo-concession-11918859/
https://www.theguardian.com/education/2017/mar/02/auto-destructive-art-pioneer-gustav-metzger-dies-aged-90
Exposition en cours au Mamac jusqu’au 14 mai.
Le Grand Escalator
On entre désormais au Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de la Ville de Nice par la grande porte ou plutôt par le grand escalator ! Finies les marches sales et glissantes des escaliers du MAMAC, arrivant sur une sorte d’agora trouée, un des ratages parmi d’autres de ce bâtiment qui bien du mal à s’imposer comme monument architectural !
Afin de donner au musée une meilleure visibilité et un plus grand confort d’accès pour le visiteur, il semblait évident, et c’est ce que la Ville a fait, de rétablir la grande entrée au pied de la tour nord-est pour que le bâtiment soit de plain-pied avec le boulevard Risso et la place Garibaldi. Ce nouvel accès s’inscrit dans un projet qui lie la Promenade du Paillon (je vous en supplie, ne l’appelons pas Coulée verte !) à l’Acropolis et à la future station Garibaldi sur la prochaine ligne 2 du tramway.
Parlons art maintenant. Cette nouvelle entrée, au-delà de la fluidité qu’elle apporte au musée, nous fait découvrir une fresque de Tania Mouraud, Melancholia PT-1, une œuvre dont l’écriture architecturale structure admirablement les volumes de ce hall et nous révèle une phrase de Puccini dans Tosca : «L’ora è fuggita e muoio disperato (l’heure est envolée et je meurs désespéré)» que l’artiste, amoureuse d’opéra, a graphiquement tracée sur les murs. Un hommage, nous dit-elle, aux victimes de l’attentat du 14 juillet ; souvenons-nous de la suite de ce lamento : «E non ho amato mai tanto la vita !» (et je n’ai jamais autant aimé la vie »)…
Autre moment fort de cette journée d’inauguration au MAMAC, le don à la Ville de Nice par Ernest Pignon-Ernest de la série « Jumelage Nice/Le Cap », Nice, 1974. En plein apartheid, la nuit précédent la venue du Maire du Cap à Nice, Ernest Pignon-Ernest a collé sur le parcours de la délégation officielle des affiches représentant une famille noire africaine derrière des barbelés. Cette action «coup de poing» avait, à l’époque, déclenché une vive polémique. La rétrospective consacrée en 2016 à l’artiste au MAMAC a scellé la réconciliation entre la Ville de Nice et l’un de ses créateurs emblématiques. Alors que plus de quarante années se sont écoulées depuis cette intervention, la Ville a souhaité donner toute sa place à Ernest Pignon-Ernest pour que ces œuvres, historiques à de multiples égards, rejoignent les collections du MAMAC.
Dernière célébration ce 13 février, l’installation de la donation à la Ville d’une partie de la collection de Jean Ferrero, dont les œuvres renforcent un des domaines spécifiques du MAMAC : la période École de Nice.
De février au 14 mai 2017
MAMAC, Place Yves Klein – Nice