Hygie et Panacée, une exposition de Frédérique Nalbandian
Invoquer les dieux n’est jamais innocent, qu’on soit païen ou croyant, mais s’adresser aux déesses, Hygie et Panacée, respectivement figures de la santé et du remède universel, me paraît subtilement approprié à ces temps de pandémie… Laver, frotter, savonner, rincer, essorer évoquent les mouvements de l’intime, du foyer et sont aussi les gestes de la pratique de Frédérique Nalbandian qui fait du savon son matériau de prédilection. Elle le façonne afin de le mettre dans tous états : solide, liquide, moussant, coulant, effervescent… Actrice de ces transformations, l’eau est intervenante et les gestes simples comme remplir, vider, répandre, recouvrir, suspendre, se mettent au service de l’artiste.
Mais invoquer c’est aussi faire appel, et Frédérique Nalbandian, en se référant aux déesses, donne à son exposition une gravité qui lui sied et à laquelle le visiteur ne peut qu’être sensible. Dans la première salle de la galerie, le savon se présente sous forme de dessins, d’objets, de colonnes, et suggère déjà, par l’inclusion de morceaux de tapisserie pour certaines pièces, l’idée d’ex-voto évocatrice d’incantation. Installées dans le second espace qui rappelle par sa hauteur le temple ou la cathédrale, les grandes sculptures antiques à l’effigie des déesses, intensifient cette sacralisation de l’objet.
Que penser de la performance dans laquelle Frédérique Nalbandian invite le spectateur à se mouiller les mains et toucher son travail, étape la plus volontairement contemporaine de l‘exposition ? Présentée comme une cérémonie profane dans un lieu de l’art, elle est très élégamment mise en scène, que ce soit la vasque de lavage, l’accrochage au mur de linges blancs qui informent le participant que ces sculptures sont faites de savon et qu’en frottant la déesse – pardon de cette irrévérence – elle perd, chaque fois, un peu de sa matière, comme ces statues à Rome et ailleurs, qui s’usent d’avoir été trop caressées… Pardon cette fois pour mon irrévérence envers l’art contemporain, mais je suis un peu fatiguée qu’on me rappelle comme une nouveauté, le fait que le regardeur, par son intervention, modifie le processus créatif !
Frédérique Nalbandian Vit et travaille à Nice, France et Vintimille, Italie. Initiée par son père d’origine arménienne au métier de restaurateur de tapis d’Orient et tapisseries anciennes, Frédérique Nalbandian restaure ses premières tapisseries d’Aubusson, de Flandres, de Bruxelles dans l’atelier de ses parents, de l’âge de 17 ans, jusqu’en 1997, en alternance avec sa formation à la Villa Arson, École Nationale Supérieure d’Art Plastique à Nice, puis se consacre totalement à sa création artistique. Frédérique Nalbandian façonne le savon, ses différents états : solide, liquide, mousse, effervescence, coulures, stalactisation, l’intéressent pour exprimer de nouvelles formes qu’elle arrête ou laisse évoluer, transformant ainsi le temps en médium. Le savon, particulièrement hydrophile, se prête parfaitement à tous les changements voulus par l’artiste. (…)
Exposition jusqu’au 12 juin 2021, prolongée jusqu’au 21 août 2021.
Galerie Eva Vautier
2, rue Vernier -Nice – France
galerie@eva-vautier.