« J’accuse », le film de Roman Polanski
Il est de ces moments où tout semble programmé pour maintenir l’équilibre dans mon blog : une exposition, un livre, un spectacle… C’est sans compter sur l’accident, le coup de poing, l’incontournable… Il ne s’agit plus de faire l’impasse, de dire, j’en parlerai plus tard… Le chef-d’œuvre est là qui vous prend aux tripes, qui vous laisse pétrifié sur votre fauteuil, on se voudrait Zola criant, J’accuse !
Film magnifique de Roman Polanski, d’un classicisme absolu, d’une modernité percutante, âpre, dur, qui vous rend physiquement insupportable l’injustice, le mensonge organisé, institutionnalisé au bénéfice d’une société qui se protège, au nom du devoir qui n’est en réalité que peur et veulerie !
On croyait connaitre l’Affaire Dreyfus, du moins ceux de ma génération et de la suivante, mais il est peut-être bon de rappeler l’histoire, ne serait-ce à ceux qui pensent que l’antisémitisme n’étant plus à l’ordre du jour, il est plus urgent de mettre l’accent sur les dérives sexuelles de Roman Polanski, alors que le sujet, comme ce fut le cas pour Zola, dénonce l’antisémitisme et la bêtise d’une armée française toute puissante, coupable de dérives annonciatrices des horreurs de la Grande Guerre.
Le synopsis
Pendant douze années, l’Affaire Dreyfus déchira la France, provoquant un véritable séisme dans le monde entier. Dans cet immense scandale, le plus grand sans doute de la fin du XIXème siècle, se mêlaient erreur judiciaire, déni de justice et antisémitisme. L’affaire est racontée du point de vue du Colonel Picquart qui, une fois nommé à la tête du contre-espionnage, va découvrir que les preuves contre le Capitaine Alfred Dreyfus avaient été fabriquées. A partir de cet instant et au péril de sa carrière puis de sa vie, il n’aura de cesse d’identifier les vrais coupables et de réhabiliter Alfred Dreyfus.
Le 5 janvier 1895, dans une atmosphère glaciale, les corps d’armée, rangés comme des soldats de plomb dans cette dans la cour d’honneur de l’Ecole militaire, assistent à la destitution du capitaine Alfred Dreyfus (Louis Garrel) de son grade de capitaine, jugé coupable de trahison et exposé à l’opprobre public. L’image grandiose, chef-d’œuvre à elle-seule, atteint le sommet que ne quittera plus le film, jusque dans ses moindres rebondissements. Dès lors, nous sommes plongés dans un palpitant thriller, et nous allons de découvertes et découvertes.
Le Colonel Picquart (Jean Dujardin), non affranchi de ses préjugés antisémites, est nommé à la direction du deuxième bureau, service du renseignement militaire, situé dans un bâtiment délabré, transformé en tripot par quelques indics infréquentables…Picquart met la main sur des documents frauduleux où apparaît le nom du commandant Ferdinand Walsin Esterhazy, obscur personnage se révélant la cheville ouvrière d’une machination dont les ramifications remontent jusqu’aux plus hauts rangs de la hiérarchie militaire. Picquart en réfère à ses supérieurs, et se trouve projeté au cœur d’une affaire qui risque de faire vaciller le pouvoir…
Je ne vous en dis pas plus, le suspense est intense. On s’étonne alors que l’Affaire Dreyfus et ses multiples rebondissements n’ait pas inspiré davantage le cinéma français ? Est-ce qu’aujourd’hui encore, ce qu’aborde le sujet, ce qu’il met en cause, reste une part trop sensible de l’histoire de la France ?
N’est pas Zola qui veut !
Un mot encore de la distribution, elle est admirable. Jean Dujardin (Picquart), pour lequel je n’avais pas de particulière inclinaison (Brice de Nice devait y être pour quelque chose) a trouvé, me semble-t-il, l’époque qui lui convient. Il est magnifique dans sa raideur toute militaire de même que dans sa tendresse d’amant. A ses côtés Emmanuelle Seigner (Pauline Monnier), enrobée, mûrie, mais toujours aussi séduisante, est une maîtresse charnelle et délicate. Louis Garrel, qu’on voit peu, hélas, est Dreyfus, d’une magistrale façon. Enfin, Gregory Gadevois nous livre un pathétique Henri. J’oubliais, la musique percutante d’Alexandre Desplat donne toute son ampleur au drame.
Dans le livre de Robert Harris et le scénario qu’il a cosigné avec Polanski, Picquart est le héros et Dreyfus une victime. La vérité historique est sans doute autre, si l’on en croit Vincent Duclert : » Jamais Picquart n’a été Zola, jamais il n’aurait écrit J’accuse. » Pour l’historien, c’est Dreyfus le véritable héros !
Bonjour Lola
Je suis étonné de ton article
Bonne journée
Pourquoi étonné ?
Lola je n’aurai rien à
ajouter ni à retrancher de ton article tant il est d’une grande justesse !
100% d’accord !!!
Bonjour Lola
Merci pour ton article. Je partage ton point de vue : un sujet nécessaire! Ton blog est toujours très intéressant et c’est toujours un plaisir de te lire.
Merci Héléne j’hésitais à y aller, ayant eu des echos divers du film. Polanski est et restera quoi qu’il arrive un immense realisateur. Il faut savoir juger l’oeuvre séparemment du bonhomme , la première est magistrale, le second l’est bien moins et c’est à la justice de faire son boulot.
pour moi c’est un grand film, le procès de l’homme c’est une autre affaire !
Chère Hélène, tu sait notre complicité depuis LA remontée du Nil, au gré du vent et de l’humanité rencontrée…
Humanités ! C’est le véritable sujet de ces films majeurs et responsables qui dans une période interrogative innonde de « vérités » nos écrans. Que ce soit « l’affaire D. » que tu décrit si sensiblement ou « Joker » et « Les Misérables »; la condition humaine y est abordée avec la liberté nécessaire à un metteur en scène, des acteurs connus ou inconnus, des correspondances qui laissent à penser que la citation de nôtre Hugo Victor, clôturant le film du même nom que son ouvrage majeur, nous siffle aux oreilles sa lucide sentence:
» Mes amis, retenez ceci, il n’y a ni mauvaises herbes, ni mauvais hommes. Il n’y a que des mauvais cultivateurs » …!!
Et René Char de lui répondre en écho:
» La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil ».
A la lumière d’une lettre, puissions nous, nous indigner librement de la reconnaissance de notre Humanité?
Bons films !!…
JJ C