La Lutte Du Mo Et Du Ya, Ca 1990-1991
Acrylique Sur Tissu
Peinture, 220 X 180 Cm          
Non Signé
La lutte du mo et du ya, ca 1990-1991 Acrylique sur tissu Peinture, 220 x 180 cm Non signé

« Le cas Moya » Galerie Lympia – Port de Nice.

Titre on ne peut plus approprié pour moi face à l’œuvre de Patrick Moya, comme par rapport à ce nouveau lieu d’exposition ouvert à Nice depuis à peine un an, je crois.

Vue d’ensemble

Pourquoi cette première interrogation ? Parce que Moya est, dans le paysage niçois et plus globalement dans le monde de l’art, un phénomène à part…

Pour l’avoir côtoyé je pourrais dire à ses débuts, puisque j’ai été sa galerie et que nous avons organisé ensemble plusieurs expositions dans mon espace d’abord, en 91, 92, 94, 96 et à Art Jonction, mais aussi dans des lieux plus inattendus comme la brasserie Flo par exemple, je crois assez bien connaître son œuvre, même si je n’ai pas percé l’énigme que représente cet artiste, charmant, léger au prime abord, mais sincèrement, viscéralement, mystérieux sous ses abords affables.

Je l’ai connu par Claude Fournet qui le soutenait et avait accroché, dans son merveilleux appartement dédale jouxtant la Villa Masséna, de petites œuvres figurant des écrans de télévision dont on peut voir quelques exemplaires dans l’exposition de la Galerie Lympia.

Dans cet étrange édifice labyrinthique, ancien bagne réaménagé à plusieurs reprises et définitivement réhabilité par le département des Alpes-Maritimes pour être mis en service fin 2016 en tant que galerie, Patrick Moya a conçu une rétrospective qu’il appelle intro-rétrospective, un habile moyen d’aborder l’aspect protéiforme de son œuvre.

De la grande crèche (ici pas de débat déplacé, nous sommes dans un lieu d’exposition) à la projection du Moya Land virtuel, aux peintures très exotiques et aux sculptures parfois plus anciennes, je me promène

Masques de la tribu Moya

en pays connu et ami, même si l’œuvre virtuelle de l’artiste me reste étrangère. C’est d’ailleurs ainsi, allant de ce que j’apprécie à ce qui m’indiffère, que s’articule mon parcours dans un travail souvent trop bavard, mais si foisonnant, si inventif, si riche en couleurs et en formes, que je reste ébahie par tant de savoir faire et, je dois dire, de savoir peindre !

Bravo l’artiste, a-t-on envie de crier, comme à la fin du spectacle quand on a craint que l’équilibriste ou le clown, prenant trop de risques, ne se casse la gueule !

« La main de Moya », 1992, acrylique sur contreplaqué.

Notre artiste Moya est un virtuose, il ose tout et sa main ne tremble jamais, au point que, parfois, on aimerait un peu plus de maladresse, de retenue, mais incontestablement l’œuvre est là, robuste, inclassable, hors norme, en un mot originale et donc étrangère à l’analyse !

Seul recours devant tant de vigueur, employer ce à quoi tout critique répugne, tant le procédé est primaire, celui du j’aime ou du je n’aime pas… eh bien, j’y succombe !

J’aime cette idée magnifique et finalement très conceptuelle de Moya, dès 1986, de faire œuvre avec les quatre lettres de son nom, déclinées sur des dessins, des peintures, des sculptures… Lettres auxquelles il attribue une couleur symbolique M rouge (l’énergie), O jaune (le message), Y vert (l’antenne réceptrice) et A bleu (la montagne)… Ce lettrage, il l’appliquera plus tard (1990/1995) aux gravures des vieux dictionnaires dont il projette les images sur de grandes toiles aux aplats de couleurs primaires. C’est avec ses autoportraits soumis au même traitement, la période la plus riche, la plus forte de son œuvre, me semble-t-il, celle en tout cas que je connais le mieux puisque je l’ai exposée dans ma galerie. J’aime également que cette écriture puisse créer des formes et donner des sculptures très minimales, un Christ, une chaise, une mouette, un soleil…, le tout sur du métal brut, sans apprêt, sans fioritures…

D’où vient à Moya cet incoercible besoin d’écrire son nom partout ? Est-ce pour célébrer ce père dont il ne portera le nom qu’à partir de l’âge de quinze ans ? Est-ce pour affirmer son « moi » dont très jeune il prend conscience puisque, enfant, ses parents l’exposaient comme un objet dans la vitrine de leur boutique à Troyes ?

performance Moya tv, Villa-arson, 1975.

A ces questions je n’ai pas la réponse et contrairement à beaucoup, dont Ben qui affirme que Moya a appliqué à la lettre sa théorie sur l’ego : « Pour moi c’est un des rares artistes à avoir pris ma théorie de l’ego au sérieux. », je pense qu’à force de se mettre en vitrine (comme lors de son enfance), Moya se cache – d’où ce que j’appelle « le mystère Moya » – plus qu’il ne s’affiche dans son œuvre. D’ailleurs ses spectacles, ses mises en scène, ses créations de personnages : les Dolly d’abord, le Pinocchio, puis son monde virtuel, n’est-ce pas une façon d’échapper  à ce moi qu’il tente de nous faire prendre comme essence même de son œuvre, alors qu’il n’est qu’une fiction.

J’aime moins chez Moya son univers de montreur de marionnettes, auquel je me sens parfaitement étrangère même si là encore, il fait preuve d’une incroyable dextérité à peindre son monde du spectacle, riche de mille et un détails, architectures, objets, animaux dont Moya n’est qu’un des acteurs parmi d’autres… Une exception à mon indifférence, les divers portraits des Dolly très XVIIIème, une galerie de tableaux désopilants et extrêmement élégants à la fois…

« Dolly à la fraise », 2017, acrylique sur toile. D’après un Portrait d’enfant de Alonso Sanchez Coello pour la nuit des musées 2017 au MDAAC d’Épinal

Enfin, si Le cas Moya nous interroge sur l’œuvre de cet artiste inclassable, il nous questionne aussi sur cette Galerie Lympia et son devenir… Inaugurée par une exposition de sculptures de Giacometti, puis de photos du journaliste de Nice-Matin Ralph Gatti, elle accueille aujourd’hui un peintre, Patrick Moya, et par la suite Raymond Depardon… Doit-on en conclure qu’il y a alternance entre des œuvres de renommée internationale et des artistes plus régionaux ?

Il me semble que pour le bien-fondé de ce nouveau lieu, il serait intéressant de mieux connaître le but de ces expositions et d’en savoir un peu plus sur l’organisation des vernissages qui, en raison de la belle mais difficile architecture des lieux, sont un défi à la bonne entrée et circulation des personnes, apparemment  étrangères aux comportements à respecter dans des lieux de culture…

Jusqu’au 11 mars 2018

Galerie Lympia – Port de Nice

52, boulevard Stalingrad, 06300 Nice

Ouvert du mercredi au dimanche

P.S. Catalogue raisonné tome I : 1971-2000 ; catalogue raisonné tome II : 2001-2011

Collection artstoarts http://www.artstoarts.com

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