« Le cas Richard Jewell », de Clint Eastwood
Avec Paul Walter Hauser, Sam Rockwell, Kathy Bates, Jon Hamn, Olivia Wilde…
Le Synopsis
Richard Jewell a toujours voulu travailler pour les forces de police, qu’il admire. En juillet 1996, il fait partie de l’équipe chargée de la sécurité des Jeux Olympiques d’été d’Atlanta. Il est l’un des premiers à découvrir la présence d’une bombe dans le parc du Centenaire lors d’un concert. L’explosion fait deux victimes et une centaine de blessés. Mais l’intervention de Richard a sauvé de nombreuses vies. Très vite, les médias font de lui le héros. Mais quelques jours plus tard, la journaliste Kathy Scruggs de The Atlanta Journal-Constitution révèle que le FBI le suspecte finalement d’être le poseur de bombe, à l’instar d’un agent de sécurité qui avait posé une bombe dans un bus en marge des Jeux Olympiques d’été de 1984 à Los Angeles. Richard devient alors l’homme le plus détesté du pays, au grand désespoir de sa mère Barbara « Bobi » Jewell. Richard contacte alors l’avocat Watson Bryant, rencontré dix ans auparavant, pour l’aider.
La sortie d’un nouveau film de Clint Eastwood est toujours en événement et souvent sujet à controverse. On connaît son attachement à son pays et, républicain, il fut un fervent défenseur du Président Trump jusqu’à récemment. A travers ses films, il interroge sur ce pays qu’il chérit tout en montrant ses failles.
On ne présente plus l’acteur mythique qui s’est forgé aussi une solide réputation en tant que réalisateur. Ses derniers films présentent des héros individuels et anonymes projetés dans des situations extraordinaires ; «American Sniper» en 2014, «Sully» 2016, «La mule» en 2018, «Le15h17 pour Paris» en 2018 en sont la parfaite illustration. Il offre une réflexion sur le sujet inépuisable du héros à Hollywood qu’il a d’ailleurs maintes fois incarné.
Aussi prolifique que Woody Allen, le réalisateur de 89 ans sort en moyenne un film par an, et après l’échec du «15h17 pour Paris», on attendait avec impatience son nouvel opus. Avec «Le cas Richard Jewell», il explore à nouveau l’Histoire contemporaine des Etats-Unis à partir d’une histoire vraie, questionnant jusqu’à l’obsession la place du héros ordinaire.
Avec «Le cas Richard Jewell», Eastwood revient sur une affaire qui défraya la chronique pendant les Jeux Olympiques de 1996, mettant en cause un agent de la sécurité qui remarquant un sac suspect dans un parc, empêcha une véritable tuerie. D’abord porté aux nues, il est ensuite soupçonné d’être le poseur de bombe par le FBI,qui voit en lui le coupable idéal, s’appuyant sur le profil d’un autre agent de la sécurité qui avait posé une bombe dans un bus en 1984, pendant les Jeux Olympiques de Los Angeles. Épié et traîné dans la boue par la presse, il vit une véritable descente aux enfers.
Clint Eastwood pose alors la question autour de la manipulation de la presse, de la connivence avec le FBI, enclin à transformer un brave homme en dangereux terroriste. Il décortique un ratage complet d’une enquête faite à charge, totalement bâclée par le FBI et l’acharnement de la presse locale, The Atlanta Journal-Constitution (AJC) à vouloir détruire la vie d’un homme.
Par ailleurs, le réalisateur laisse entendre que la journaliste Kathy Scruggs (incarnée par Olivia Wilde) propose une relation sexuelle à l’agent du FBI contre des informations. Le journal se défend de telles pratiques sexistes à l’heure du #metoo et se dit choqué du portrait brossé de la journaliste, décédée en 2001.
Harcelé au téléphone, cloîtré chez lui, son domicile est fouillé à plusieurs reprises. Seule sa mère le soutiendra jusqu’à faire des déclarations publiques dans diverses émissions télévisées.
Richard Jewell sera définitivement mis hors de cause en 1997 mais ne s’en remettra jamais réellement jusqu’à son décès d’une crise cardiaque deux ans après que le véritable auteur de l’attentat a été arrêté et condamné à perpétuité.
L’histoire relatée par Eastwood est assez forte pour procurer de vives émotions. Toutefois, de facture très académique, le film ne brille pas vraiment par sa mise en scène, sans fioriture. La construction est ultra classique, déroulant pendant les 2h09 du film l’ordre chronologique des faits. On pose l’aspect historique par une photographie terne et sans relief, rappelant les films dossiers des années 70. Hormis une scène qui tente de déroger au mécanisme linéaire en mettant en parallèle la course de Richard Jewell pour sauver un maximum de personnes et le record du sprint de Michael Johnson, l’ensemble est composé principalement de champs/contre-champs mettant en place les dialogues entre les différents personnages. L’importance est donnée au sujet et non à sa forme. La mise en scène tourne essentiellement autour des personnages, des dialogues et à l’interprétation des comédiens. Kathy Bates a remporté pour son rôle de mère courage et bienveillante l’oscar de la meilleure actrice dans un second rôle.
A l’instar du travail de maquillage réalisé sur les actrices de «Scandale» de Jay Roach, sorti le 22 janvier 2020 pour ressembler au mieux aux journalistes de Fox News, on notera la grande ressemblance de Paul Walter Hauser avec Richard Jewell, permettant au réalisateur de distiller des images d’archives alors que la vrai Richard Jewell était harcelé par la presse et de les inclure dans les scènes avec l’acteur.
Sam Rockwell qui interprète l’avocat de Richard Jewell offre une vraie composition. A l’affiche de «Jojo Rabbit» de Taika Waititi dans le rôle d’un officier allemand déjanté, il a été révélé avec des films tels que «La ligne verte» en 1999 et plus récemment dans «Three Billboards» de Martin McDonagh en 2017 et «Vice» d’Adam McKay en 2018. Changeant d’apparence à chacune de ses prestations, il ajoute une touche de fantaisie naturelle à ses rôles, apportant une vision originale à ses personnages.
«Le cas de Richard Jewell» n’est certainement pas le meilleur film de Clint Eastwood, cependant il soulève le danger qui guette toutes nos sociétés occidentalisées à savoir la suprématie des médias de masse qui manipulent les foules. A l’heure des réseaux sociaux, des fake news, de la délation généralisée, même si les faits relatés ont 24 ans, le récit de Clint Eastwood résonne de manière totalement contemporaine.
Sortie, 19 février 2020
Isabelle Véret