Moisés Finalé "La Salida", 2016
Moisés Finalé "La salida", 2016

Les artistes à La Havane

Chose promise, chose due, après la rue dont j’ai témoigné par images, je vous propose un petit tour d’horizon, toujours en images, sur quelques artistes cubains vus lors de mon séjour à La Havane.

Notre étonnant B&B, Casa Una, 209 altos Calle Tejadillo, s’il avait la qualité première d’être au cœur de La Habana Vieja, avait aussi le privilège de se situer à deux pas du Musée national des Beaux-Arts de Cuba (Museo Nacional de Bellas Artes de Cuba) et du Memorial Granma, incroyable ensemblemémorial à la gloire de Fidel Castro, avec le bateau, l’avion, le tank, la jeep, l’ambulance, etc., témoignages matériels de la prise de pouvoir del Comandante ! Le tout éclairé jour et nuit et surveillé, manu militari, par de fringants gardiens. A l’heure où l’Installation a droit de cité dans notre beau monde contemporain de l’art, ce mémorial pourrait figurer au premier rang, mais on ne rigole pas à Cuba avec ce qui touche affectivement à Fidel, aussi n’est-ce que maintenant que je m’autorise un tel rapprochement.

Sculptures devant le musée

Première vision de l’art officiel à Cuba, donc, ma visite au Musée des Beaux-Arts de Cuba. Ce bâtiment, Palacio de Bellas Artes, inauguré le 18 juin 1954, est d’une assez belle architecture. Encadré par deux grandes sculptures contemporaines, il abrite des collections d’art cubain : plus de 4 300 peintures, 12 800 dessins et gravures et 285 sculptures. Parmi les artistes de la période coloniale, on trouve notamment des œuvres de Jean-Baptiste Vermay, José Nicolás de la Escalera, Vicente Escobar, Víctor Patricio et Guillermo Collazo. L’académisme cubain et le XIXe siècle sont représentés par Armando Menocal, Leopoldo Romañach ou Rafael Blanco Estera. Les artistes du début du XXe siècle comprennent notamment Fidelio Ponce de León, Amelia Peláez, Víctor Manuel García, Carlos Enríquez, Mario Carreño Morales, Roberto Diago et Wifredo Lam (oui vous m’avez bien lue, j’ai découvert un beau portrait d’une texture très académique de Wifredo Lam). Enfin, l’art contemporain est représenté par Hugo Consuegra, Guido Llinás, Servando Cabrera Moreno, Antonia Eiriz, Raúl Martínez, Manuel Mendive, Ever Fonseca, Aldo Menéndez, Roberto Fabelo, Tomás Sánchez, Nelson Domínguez, Zaida del Río, Belkis Ayón ou encore José Bedia Valdés… Par rapport à tout ce que j’ai pu voir ensuite, les magnifiques pièces de Wifredo Lam étaient largement les plus «contemporaines » du musée, et il me faut dire ici combien, en tant qu’admiratrice de Lam, j’ai été heureuse de retrouver cet artiste et de voir à quel point il a été novateur, je dirais, presque à l’insu des siens.

Vous l’aurez compris, ma longue nomenclature d’artistes est tirée de textes donnés par le musée et ce que je vais citer l’est aussi, ce pourquoi je me dois de le mettre entre guillemets tant il est à nuancer : « La collection d’art occidental compte plus de 1 600 peintures, 126 sculptures et 8 000 dessins et gravures qui s’étendent du Moyen Âge au XXe siècle. La plupart des écoles européennes, espagnoles, italiennes, françaises, flamandes, hollandaises, anglaises et allemandes, sont représentées ainsi que quelques exemples des écoles latino-américaines et d’Amérique du Nord. »

Oui, relativisons, relativisons, car de tout cela (je ne parle ici que de ce qu’on appelle contemporain), je n’ai vu que peu de choses qui puissent retenir mon attention. Et ce qui m’a particulièrement surpris, c’est que les artistes de Cuba sont restés totalement imperméables aux influences des grands mouvements internationaux des années soixante : Pop Art, Op’Art, Art Minimal, Art Cinétique, Arte Povera, Nouveau Réalisme, Land Art, Fluxus, Supports-Surfaces, Art Conceptuel, etc., preuve, si besoin est, que n’est entré à Cuba que ce qui était conforme au Régime, l’art y compris !

Installation

Le musée, par ailleurs très intéressant, pâtit de cette ignorance ou plutôt de ce protectionnisme, et les œuvres contemporaines occupant le rez-de-chaussée de l’édifice se veulent des installations ambitieuses, mais manquent cruellement de la richesse qu’apporte une confrontation.

Alors quittons le Musée national des Beaux-Arts de Cuba, car vous l’avez lu dans mon précédent article « KKP gagne Cuba », la relève est prise avec ces trois grands artistes (et avec la Biennale de La Havane) qui dessinent l’ouverture du pays à l’art international, peut-être un peu trop brutalement même, car dans tout processus d’assimilation, les étapes sont bénéfiques au changement, ou alors c’est la Révolution, avec les manques qu’elle véhicule…

Une œuvre de Moisés Finalé

Je laisse mes considérations politiques de côté, je m’y étais engagée vis-à-vis de moi-même, et continue la visite avec un regard frais sur les artistes contemporains cubains. Le premier lieu, et non des moindres, le magnifique Gran Teatro de La Habana Alicia Alonso accueille non seulement du théâtre, des opéras, le Ballet National de Cuba, mais aussi des expositions comme celle de Miosés Finalé. Appelé Galeria Origenes, l’espace réservé à l’art contemporain est vaste et les peintures de Finalé, réunies sous le thème de Levitacion, bénéficient d’une présentation de qualité, due à la commissaire Yamilé Tabio. Influencée par diverses traditions culturelles, l’œuvre de Finalé se construit sur une assimilation féconde d’un art universel, ce que Rolanda Wood a appelé « iconographie d’interprétations » et ce que, d’une manière différente, Rufo Caballero a qualifié de « référence tenace envers la culture occidentale »… C’est curieux car pour moi, j’ai vraiment eu l’impression de voir une peinture originalement cubaine ! S’il y a eu assimilation d’une culture occidentale, la digestion a été réussie.

L’autre lieu où il m’a été donné de voir de l’art contemporain cubain est adossé au restaurant très branché de La Havane, El Cocinero, Calle 26, dans le quartier Vedado. Après avoir déjeuné assez moyennement dans ce beau restaurant en plein air, signalé par son adossement à une étonnante cheminée d’usine, nous nous sommes aperçu, depuis notre table, que le bâtiment mitoyen semblait accueillir une galerie d’art. En effet, sur trois étages, ce qui nous a semblé être une association d’artistes présentait, autour d’un grand espace réservé aux projections et au théâtre,  des accrochages de peintures et des sculptures reflétant, semble-t-il, l’attitude des artistes de Cuba par rapport à l’art. Critiques et contestations y sont lisibles, mais exprimées avec la prudence que le pays impose encore à ses individualités (n’ayant  ni le nom de cette galerie, ni le nom des artistes, j’ai placé, en fin de mon article, les photos des œuvres prises par nos soins).

Pour conclure, je tends à croire qu’une levée de l’embargo, mais aussi une ouverture des dirigeants cubains vers de ce qui vient d’ailleurs et surtout des Etats-Unis, verra éclore un art contemporain cubain extrêmement riche, si l’on considère leur créativité intrinsèque et leur capacité étonnante à pallier leur manque de tout par une inventivité extraordinaire, déjà révélée en architecture et en décoration, et certainement prête à éclore dans les arts plastiques bientôt !

A lire absolument après la juste remarque d’un de mes lecteurs : Le Musée National des Beaux Arts (Museo de Bellas Artes) créé le 23 février 1913 grâce aux efforts de l’architecte Emilio Heredia, est abrité depuis 1954 dans le Palais des Beaux Arts conçu par l’architecte Rodriguez Pichardo et dans le second édifice créé par Jose Linares, ces deux bâtiments remplaçant le vieil édifice du Marché de Colomb.
Il y a donc maintenant deux édifices impressionnants qui appartiennent au Musée, l’un dédié à l’Art Cubain dans le Palacio de Bellas Artes (Palais des Beaux-Arts) situé en face du Mémorial Granma, et l’autre dédié à l’Art Universel, dans le Palacio del Centro Asturiano.

Vous ferez la correction par vous- même…

Viva Cuba !

Les photos sont de Una Liutkus et lola Gassin

Cet article comporte 5 commentaires

  1. Una LIUTKUS

    Lola, une précision : en fait il y a deux Musées des Beaux arts ! L’un des bâtiments est celui dit de l' »l’art universel » dont tu donne la liste des œuvres. C’est celui où est actuellement l’exposition Michelangelo Pistoletto.. L’autre est celui q de l’art cubain où tu as très finement observé le trou lamentable dû à l’absence d’ouverture vers la création mondiale (ce fut une réalité dans les années 198/2000). Il me semble que les artistes cubains respirent bien mieux aujourd’hui.

    1. lolagassinJourdan-gassin pour FB

      C’est à s’y perdre, car ce que j’ai écrit c’est bien sur les œuvres qui sont dans le musée qui est en face du Memorial Granma,comment s’appelle-t-il alors ? et quelle est son adresse ?

  2. Hélène Jourdan-Gassin

    Baisers de Miami, tu es toujours aussi active! Je t’admire, O

  3. Denise

    Vous passez 15 jours à Cuba et vous prétendez avoir compris l’art cubain et tout Cuba d’ailleurs. Bravo! Un tissu d’ignorance et de bêtises, dites avec assurance, comme tout Européen qui comprend la réalité d’un pays en sirotant des mojitos… salut!

  4. lolagassinJourdan-gassin réponse à un commentaire

    10 jours seulement et surtout je n’ai pas prétendu tout comprendre, mais j’ai été touchée par l’ouverture et la gentillesse des gens, bien éloignées de votre ton acerbe ! Cependant j’ai des yeux et des oreilles et ils m’ont servi à observer. Quant au mojito, contrairement aux cubains que j’ai rencontrés vous ne semblez pas avoir le sens du second degré… Bon salut alors !

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