» Les promesses », Thomas Kruithof
Avec Isabelle Huppert, Reda Kateb, Soufiane Guerrab…
1h38
Sorti le 26 janvier 2022
La politique vue à hauteur humaine, promesse tenue.
Synopsis
Maire d’une ville du 93, Clémence livre avec Yazid, son directeur de cabinet, une bataille acharnée pour sauver le quartier des Bernardins, une cité minée par l’insalubrité et les « marchands de sommeil ». Ce sera son dernier combat, avant de passer la main à la prochaine élection.
Promesses politiques aux électeurs, promesses d’élévation sociale et d’ambition politique, tout se croise dans ce film, alimentant la tension dramatique. Car on se prend au jeu et on retient son souffle avec les protagonistes de ce drame politico-social, où les enjeux politiques et personnels se mêlent.
Le thème politique est assez rarement exploité dans le cinéma français malgré quelques tentatives aussi rares que originales et réussies. On se souvient bien sûr de «Z» de Costa-Gavras ou «Monsieur le Président» avec Jean Gabin. Ces dernières années, le cinéma français ne s’est pas vraiment engagé dans cette voie. Pourtant quelques réalisateurs ont su renouveler le genre en abordant cet univers impitoyable, Bertrand Tavernier en 2013 par le biais de la comédie avec «Quai d’Orsay» ou «L’Exercice de l’État» de Pierre Schoeller en 2011, formidable réflexion sur les coulisses de la vie politique autour des démêlés d’un ministre. Dans «Les promesses», Thomas Kruithof met en lumière le travail sur le terrain d’un élu local en la personne de Clémence Collombet (Isabelle Huppert) qui va céder aux chants des sirènes de l’ambition politique. Le sujet aurait pu être peu séduisant, cependant le réalisateur distille une tension croissante, entre le combat sur le terrain de cette Maire et le jeu cruel des réseaux de contacts à Matignon. Ses revendications légitimes ne sont que des détails dans une organisation où les enjeux et les ambitions de chacun sont plus importants que les actes.
Dans ce chemin de croix, elle est aidée par Yazid, son directeur de cabinet interprété par Reda Kateb. Issu de l’immigration, c’est un enfant du quartier qui s’est élevé socialement grâce à la réussite de ses études supérieures. Très lié à son élue, les ambitions tardives de cette dernière risque d’ébranler leur liens quasi filiaux.
L’intrigue va se jouer autour de la réhabilitation d’une barre d’immeuble laissée à l’abandon et insalubre, dont les habitants, à bout de patience décident de ne plus payer leurs charges à l’administrateur. Clémence, dont c’est le dernier combat avant de céder sa place à sa première adjointe (Naidra Ayadi) met tout en œuvre pour obtenir une subvention de soixante treize millions que veut allouer l’État à l’une des cités en délabrement.
En prise réelle avec le sujet, Thomas Kruithof ne cède rien pour ce deuxième long métrage, en restant au plus près de cette élue locale aidée par son chef de cabinet parfaitement à l’aise le terrain, tout en manœuvrant politiquement.
Au cœur de cette cité de banlieue qui ne porte pas de nom, se mêlent le meilleur comme le pire, d’honnêtes habitants réunis en association pour faire valoir leur droit, face aux marchands de sommeil n’ayant aucun intérêt à faire aboutir cette innervation bénéfique aux propriétaires et contre productive avec leur lucrative exploitation de la misère humaine.
Malgré toute la bonne volonté de chacun, l’humain se révèle dans toute sa faiblesse. Clémence en fin de mandat veut bien agir et livrer son dernier combat politique en obtenant cette subvention. Cependant une proposition en haut lieu va rebattre les cartes et mettre à mal la promesse tenue aux habitants de cette cité des Bernardins.
Le film est le fruit de la rencontre de Thomas Kruithof, réalisateur de «Mécanique de l’ombre» en 2017 et de Jean-Baptiste Delafon, le cocréateur de «Baron noir» pour Canal+. Ensemble, ils avaient envie de s’intéresser à la politique locale en faisant le portrait de maire de banlieue, sensibilisés par le rapport de l’individu face au système.
Le duo Isabelle Huppert et Reda Kateb a des airs de passage de flambeaux, d’une maire en fin de mandat et son directeur de cabinet, ambitieux et en devenir, déjà imprégné du système mais fidèle à son milieu d’origine. Qui mieux que Reda Kateb pouvait incarner ce personnage droit, fier et loyal ? Tout en nuance et fragilité, il apporte une force et une détermination teintée de toutes ses failles à fleur de peau et ses doutes, fruits de son parcours remis en cause par ses origines. Il joue d’égal à égal face à une Isabelle Huppert impériale.
Surprenant et original, le sujet, pourtant peu vendeur tient en haleine de bout en bout, parfaitement maîtrisé par le réalisateur, soutenu par un casting de luxe tant par ses principaux protagonistes que par les seconds rôles, Laurent Poitrenaux (déjà vu récemment dans le très réussi «La place d’une autre») et Hervé Pierre de la Comédie Française, mêlant comédiens issus du théâtre et acteurs de séries télé (Soufiane Guerrab «Julie Lescaut», «Braquo», «Engrenages», «Dix pour cent», «César Wagner», «Lupin»).
Isabelle Véret