« L’étreinte », de Ludovic Bergery
Avec : Emmanuelle Béart (Margaux) Vincent Dedienne (Aurélien)…
Sortie le 19 mai 2021
Durée : 1h40
Synopsis :
Margaux a perdu son mari et commence une nouvelle vie. Elle s’installe chez sa sœur et s’inscrit à l’université pour reprendre des études de littérature. Mais rapidement, elle ressent le besoin d’autres émotions. Elle part en quête d’amour, au risque de s’y perdre…
Pour ce retour tant attendu dans les salles obscures, l’invitation à se lover dans cette «étreinte» était trop tentante et à revoir Emmanuelle Béart qui se fait rare au cinéma ces dernières années. Celle qui fut l’héroïne des plus grands réalisateurs, de Téchiné à Berri, Rivette, Marion Vernoux, Anne Fontaine, sans oublier Sautet ou Chabrol, revient avec cette comédie douce-amère. C’est donc une renaissance ou plutôt une résurrection à l’écran comme pour les salles! On lui adjoint le talent du jeune humoriste Vincent Dedienne, récemment vu dans l’excellente série de Canal + « La flamme » qui, à travers sa jeune carrière débutée en 2018, a fait ses classes aux côtés de grandes comédiennes françaises (Catherine Deneuve « Terrible Jungle », Nathalie Baye « Médée », Catherine frot « La fine fleur »)) même si les films dans lesquels il a joué n’étaient pas toujours à la hauteur. Il est à l’affiche de pas moins de six films en 2020.
Emmanuelle Béart sur tous les plans
On sent l’étreinte du jeune réalisateur autour de son héroïne et c’est assez réjouissant. A coup de gros plans sur son visage, il révèle toute la séduction qui se dégage de cette femme de plus de cinquante ans alors que la vie ne l’a pas épargnée et que depuis longtemps elle a remisé sa féminité. Sa démarche en avant et sa collection de pulls informes surmontés d’un manteau over size n’entame pas son envie de connaître à nouveau le désir, les sentiments, le plaisir de la vie. On sent un brin de naïveté et d’innocence chez cette femme, bien qu’amusante, sa déconnexion à la vie réelle pourrait la mettre en danger.
Cette Margaux est une femme qui ose, elle prend conscience qu’elle est à un tournant de sa vie et qu’elle est capable de se réinventer, de retrouver des sensations charnelles qui la feront à nouveau se sentir vivante. On la suit à travers ce parcours initiatique qu’on entrevoit dès la scène d’ouverture offrant des paysages changeants vus du train traversant la France, partant du paysage ensoleillé du Sud pour arriver à la grisaille de la capitale.
Pour cela elle est prête à reprendre le chemin de l’université. Là, adoptée -à la vitesse de la lumière- par un groupe de jeunes étudiants, elle s’attache particulièrement à l’un d’entre-eux (Vincent Dedienne), homosexuel, aux goûts un peu désuet, avec qui elle va pouvoir tout partagé Avec son concours, elle va se lancer sur le «marché» de la rencontre virtuelle après une tentative ratée avec un ténébreux prof d’allemand de la fac On sait peu de choses d’elle, de sa vie d’avant, on imagine une vie rangée, sage, jusqu’à la perte de l’être cher. Cette période de doute et de remise en question laisse entrevoir à travers son lâcher prise, le grain de folie enfouie en elle qui rappelle cette insouciance de l’enfance.
Autour du film
Dans la veine des comédies romantiques à la française, le premier film de Ludovic Bergery est produit par Frédéric Niedermayer qui collabore aussi avec Emmanuel Mouret.
La musique dont la tonalité mélancolique rappelle Arvö Part est signée du musicien autodidacte David François Moreau -ancien compagnon d’Emmanuelle Béart et père d’un de ses enfants et pour l’anecdote demi-frère de Patrick Bruel-
On peut souligner la photographie dirigée par Martin Roux, particulièrement soignée qui donne une vraie dimension aux scènes d’amour.
Le film ne manque pas de charme et nous permet de suivre le combat de cette femme quinquagénaire pour se réinventer après le décès de son mari, Tout en délicatesse, il offre à Emmanuelle Béart la possibilité d’exploiter avec fierté les atouts et les attraits d’une femme de son âge. Il n’échappe cependant pas aux écueils ni aux maladresses d’un premier film. Certes, le thème n’est pas nouveau et a souvent été exploité au cinéma. Quelques longueurs viennent alourdir le propos et l’utilisation des ellipses fragilise la cohérence des situations et la relation entre les personnages (sa sœur interprétée par Eva Ionesco est à peine présente). L’amitié entre les jeunes étudiants et la quinqua paraît peu crédible et elle a une capacité à se trouver un meilleur ami d’une rapidité jamais vue.
Qu’importe, l’empathie pour son personnage nous emporte et on a envie d’y croire.
En pardonnant les hésitations de ce premier essai de Ludovic Bergery, « L’étreinte » touche par le portrait dressé de cette femme. De ce fait, on retiendra le nom de ce jeune réalisateur à qui on promet un bel avenir cinématographique.
Isabelle Véret