G. Studio : Mic House, Hultehouse, France, 2006. Architecte(s) : G. Studio © Michaël Osswald
G. Studio : Mic House, Hultehouse, France, 2006. Architecte(s) : G. Studio © Michaël Osswald

« Matière grise » ou l’architecture vertueuse

« Matière grise » un joli titre pour une exposition présentée à Nice en collaboration avec le Pavillon de l’Arsenal*, qui évoque aussi bien la pensée, l’idée, l’invention, que cette substance essentielle pour l’architecte : la matière.
Si l’exposition « Matière grise » au Forum de l’Architecture joue sur les mots, le double sens ne s’arrête pas là, j’oserais dire, car les commissaires, Julien Choppin Nicola Delon (fondateurs du collectif Encore Heureux) ont choisi de nous montrer une soixantaine de réalisations architecturales fondées sur la réutilisation de matériaux, qui loin d’être gris, font appel à toute une palette de composants colorés déjà existants, qui s’opposent à l’uniformité qu’évoque pour beaucoup le béton …
Il est dit en préambule : « consommer plus de matière grise pour consommer moins de matières premières* » et le questionnement a l’ambition d’aller plus avant encore : « Le propos consiste désormais à explorer concrètement la capacité des matériaux de l’architecture à se réincarner, une vie après l’autre, dans une économie circulaire de la construction qui serait fondée sur le réemploi – après le constat, l’action. »

Cette ambition du « zéro déchet *» mise en confrontation avec l’épuisement annoncé des ressources, engage nos commissaires à réfléchir et à nous faire réfléchir (textes à l’appui) à d’autres voies à explorer pour le BTP comme pour tout un chacun, face à notre consommation et ce qu’elle engendre comme conséquence vis-à-vis de la planète.

L’exposition du Forum de l’Architecture prend matériellement cette voie vertueuse en réutilisant comme support aux textes des concepteurs, le contre-plaqué mis en place pour l’affichage des images de la manifestation précédente.
Sont présentées ensuite les photos de réalisations d’architectes mettant en pratique l’usage renouvelé des matériaux comme source de sens et d’intelligence…
Elles sont toutes surprenantes. Certaines sont esthétiquement très réussies, d’autres font plus plutôt penser à des bidonvilles améliorés…

Potato Head Beach Club, Seminyak, Bali, Indonésie, 2010. Architecte(s) : Andramtin Architects © Iwan BAAN

Potato Head Beach Club, Seminyak, Bali, Indonésie, 2010. Architecte(s) : Andramtin Architects
© Iwan BAAN

J’ai particulièrement apprécié : Appartement N°1, immeuble de logement à Mallahat, Iran, 2010 Architecture by Collective Terrain ; Potato Head Beach Club, Seminyak, Bali, Indonésie, 2010 Andramatin Architects ; Oktavilla, Bureaux Stockholm, Suède, 2009, Jonas Elding, Johan Oscarson, Gustaff Karlsson ; Kaap Skill, Musée maritime, Oudeschild, Texel, Pays-Bas, 2011, Francesco Veestra ; Europa, Siège de l’Union Européenne, Bruxelles, Belgique, 2015, Philippe Samyn & Partners…

Par ailleurs le Forum de l’Urbanisme a invité les architectes du Collectif Etc à mettre en œuvre, de manière participative dans l’exposition, une installation originale et spécifique au lieu, fondée sur le réservoir d’idées qu’est le réemploi des matériaux.
Pour ce faire, le Forum a proposé une collaboration inédite entre ces architectes et la Direction générale Adjointe du Développement Durable et de l’Environnement de la métropole Nice Cote d’Azur.
Y Participe aussi le Connectif KKF/ FESFON FABRIQUE (Nice).

Que dire par rapport à cette exposition qui se veut militante ?
Que je la trouve intéressante et parfois pertinente, mais qu’elle m’interroge tout de même sur plusieurs points : d’abord, ne s’agit-il pas d’une démarche plus esthétique qu’efficace, si j’en juge par les réalisations qui nous sont montrées…
Et puis, qu’en est-il du temps dans cette quête du réutilisable ? C’est un facteur considérable qui semble avoir été négligé…
Enfin si l’adage « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » doit construire notre monde, quelle place alors fait-on à l’art ?

*Les concepteurs de l’exposition entendent aussi par matières grises cette face cachée de la matière (énergie consommée pour l’extraction, la transformation et le transport ; production de rejets et de déchets.)

*Alain Pouchard (San Francisco, envoyé spécial), « Comment San Francisco s’approche du « zéro déchet », Le Monde.fr, 28 mai 2014 ; mis à jour le 8 juin 2014. Après deux ans de négociations, la Ville oblige en 2006 tous les professionnels du bâtiment à recycler au moins 65% de leurs débris, tels le béton, le métal ou le bois, dans des centres agréés… En parallèle, la Ville s’engage à n’utiliser que des matériaux recyclés pour les travaux publics, relatifs à l’asphalte,aux trottoirs, aux gouttières.

P.S. A peine mon article terminé, je me suis dit : oui c’est bien de recycler, de mettre en avant le réutilisable, mais c’est un bien petit pas par rapport à ce qu’il faudrait envisager, entreprendre pour que les choses changent… Et une amie, au même instant, m’envoie ce lien… « Du bio-mimétisme ou rien ! » Ouvrez vite, moi, je suis peut-être naïve, mais il m’a remplie d’espoir !

  • Exposition jusqu’au 23 janvier 2016
  • Forum d’Urbanisme et d’Architecture
  • Place Yves Klein, Nice

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