Iromi, Nice Jazz Festival
Iromi, Nice Jazz Festival

Nice Jazz Festival 2023, une bonne mouture ! 

Ce texte est celui dont je déplorais la perte en juillet, retrouvé habilement par une jeune personne qui m’est proche et que je remercie chaleureusement.

Immanuel Wilkins Quartet

En ce qui me concerne, cette année a été comme le bon vin, excellente ! Malgré quelques changements de programme et avec un jour de moins, le Nice jazz Festival a fait son plein, à la satisfaction des amoureux de la note bleue, mais aussi d’un public entiché de spectacle. J’hésite à vous donner mes choix, en allant du meilleur au moins réussi, mais j’opte finalement pour un compte rendu de jour en jour avec quelques découvertes, uniquement pour moi en tout cas, mais aussi des retrouvailles et des emballements !

A l’image de la diversité du jazz, l’affiche 2023 du Nice Jazz Festival symbolisant la Méditerranée et les instruments de musique, a inspiré une trentaine d’artistes niçois qui ont célébré son 75e anniversaire en revisitant son image.

 Pour l’ouverture, le 18 juillet, côté musique, car là est mon sujet, le premier concert à avoir titillé ma curiosité, fut celui d’Hiromi, jeune prodige japonaise, pianiste à la touche inoubliable. Virtuose du piano qu’elle a commencé à l’âge de 6 ans, nous dit son curriculum vitae, enfant prodige bardée de prix et de récompenses, capable de jouer Mozart ou Rachmaninov comme de visiter Oscar Peterson et Art Tatum…  N’en déplaise aux puristes que j’ai vu faire la moue, elle a célébré son entrée en plaquant accords, à la Thélonius Monk, pour s’envoler vers une virtuosité au bord de l’impossible, rangeant les Errol Garner et Fats Waller dans le clan des doigts paresseux… Elle-même cite notamment comme influences musicales Frank Zappa, Errol Garner, Martha Argerich, Vladimir Horowitz, Jeff Beck, ou encore King Crimson ! Sautillant sur place, ou passant du piano au clavier avec fouge et humour, elle emporte avec elle dans sa danse, Adam O’Farrill, trompette, Hadrien Feraud, contrebasse, Gene Coye, batterie, son nouveau groupe, un power quartet aux confins du jazz et de l’improvisation.

 Après Iromi, la magnifique Basse de Dave Holland m’a laissée un moment somnolente, même si le batteur de son nouveau quartet,  Nasheet Waits a secoué le Théâtre de Verdure.

Juliette Armanet

Histoire d’aller voir ce qui se passait sur la scène Masséna, je tentais une avancée parmi un public galvanisé par Juliette Armanet et sa prestation scénique. Cette auteure-compositeure-interprète, musicienne bercée depuis son enfance lilloise par Véronique Sanson, Michel Berger ou Françoise Hardy et vue par la critique comme la relève de la chanson française, a choisi à Nice de faire le show plutôt que d’honorer la chanson.  Son joli filet de voix a cédé la place à une performance physique qui n’a rien à envier aux plus grandes, mais cependant, n’est pas Madona qui veut ! Le public a aimé c’est le principal, et moi, pour apprécier ses textes et sa tessiture, il reste à trouver une salle plus modeste.

19 juillet, j’ai attaqué dès 19 heures 30, assise cette fois, grâce à un ami qui failli perdre la vie pour me garder une place, par le concert Immanuel Wilkins Quartet. Ce saxophoniste alto et compositeur a grandi à Upper Darby, en Pennsylvanie, nous dit-on. Après avoir obtenu son diplôme de fin d’études, il s’est installé à New York en 2015 pour suivre les cours de la Juilliard School. Il y a rencontré le trompettiste et compositeur Ambrose Akinmusire, qui lui a servi de mentor. Autre révélation professionnelle, Jason Moran, un éminent pianiste et compositeur qui emmène le jeune saxophoniste en tournée. Wilkins présente une fois de plus  son époustouflant « The 7th Hand » qui explore les relations entre la présence et le néant dans une suite d’une heure composée de sept mouvements. « Je voulais écrire une pièce préparatoire pour que mon quatuor devienne pleinement un vaisseau à la fin de la pièce », explique l’artiste qui, selon Pitchfork, « compose des épopées de jazz profondes comme l’océan ». A mon humble avis, sa composition est brillante et le son de son saxo est rond et profond comme celui d’un Coltrane, mais il manque à cette nouvelle génération, un sens du thème, ce en quoi excellaient des géants comme Miles Davis, Coltrane ou Charlie Parker. La nouvelle génération les égale en virtuosité mais il manque ce don magique de faire chanter leur instrument. Souvenez-vous de Miles, quelques notes sont posées, qui amènent une somptueuse digression, mais vous restez toujours attente du thème qui peut resurgir à tout moment ou non…

Fallait-il perdre sa place pour aller voir ailleurs, certes non, aussi il ne restait plus qu’ à subir Ludovic Louis, gentil amuseur public, enfant du Havre jazzifié par Los Angeles, un musicien dont la trompette est pleine de bonnes vibrations, comme on dit !

Yuri Buenaventura

Toujours sans décoller de ma précieuse chaise j’étais prête à ne pas perdre une miette, depuis mon cinquième rang, de la prestation de Yuri Buenaventura & Roberto Fonseca. Sans quitter de l’œil et de l’oreille Fonseca à son piano et à la direction magistrale de son groupe, j’ai découvert avec délectation les boléros cubains et les ballades mythiques chantés par Yuri Buenaventura, avec délicatesse et fougue par cette star colombienne de la Salsa et des rythmes caribéens.

Pour la petite histoire, Buenaventura est l’interprète du générique de la série colombienne, Pablo Escobar  « el patrón del mal ». Son ambition est de faire une musique dansante, sans faire oublier de réfléchir à la réalité du monde d’aujourd’hui. Selon Yuri, l’expression Mi América a pour valeur de faire connaître l’histoire de son peuple et de faire entendre la parole des poètes (avec un hommage à Pablo Neruda). Si j’ai jugé utile de faire cet aparté, c’est parce que durant son chant, alors que le public s’était mis à danser avec frénésie,  Buenaventura  a rappelé que ses chansons, si elles sont entrainantes, disent aussi tout le drame de l’Amérique Latine alors gangrénée par la drogue…

Mon 20 juillet a été marqué par deux grands moments, la prestation de Gogo Penguin au Théâtre de Verdure  et l’incroyable performance de Herbie Hancock à l’Espace Masséna.

GoGo Penguin

GoGo Penguin, groupe de jazz originaire de Manchester au Royaume-Uni est composé du pianiste Chris Illingworth, du bassiste Nick Blacka et du batteur Jon Scott (qui a remplacé Rob Turner en décembre 2021). Selon les critiques, ils se démarquent pour leurs rythmes imprévisibles, les mélodies contagieuses du piano, la puissance de leur basse, ainsi que leurs riffs très entraînants. Je ne pourrais pas mieux dire et leur musique répond, en positif, à ce que je reproche aux jeunes groupes de jazz contemporain, ce manque d’un thème saisissable. Avec eux on a un son unique, résultat d’un partage d’idées et d’une synergie pour créer ce fameux son qu’on reconnait immédiatement. On peut s’interroger sur l’appartenance de leur musique à un jazz pur ? Oui, en effet, mais c’est justement pour ça que leur musique est du jazz en devenir. Pourquoi Gogo Penguin ? on cherche des références obscures alors que c’est tout simple : « nous répétions dans une grange, et il y avait là, on ne sait pas pourquoi, un pingouin en papier mâché. On cherchait un nom, et l’un de nous a désigné l’objet, et on s’est dit : « pourquoi pas ? » Fusionnant jazz, musique classique et influences électroniques, entre autres, avec un véritable appétit pour l’innovation, ce trio est pour moi la plus belle découverte du Festival et je courrai  pour les entendre s’ils passent ailleurs !

Herbie Hancock

Pour Herbie Hanckok c’est tout le contraire. Loin d’être une découverte, je connais presque toutes ses époques et dieu sait si elles sont riches et j’ai bon nombre de ses vinyles dans ma collection. Ce pianiste claviériste et compositeur américain de Jazz nait le 12 avril 1940 à Chicago. Il est l’un des musiciens de jazz les plus importants et influents de sa génération, mêlant au jazz, notamment, des éléments de soul, funk, rock et disco. Sur lui, la littérature musicale et cinématographique ne tarit pas d’éloges et de détails. Prodige comme Iromi, il joue le premier mouvement du Concerto N° 5 en ré majeur de Mozart à onze ans lors d’un concert pour jeunes avec le Chicago Symphony. Durant son adolescence, Hancock n’a pas de professeur de jazz, mais découvre cette musique grâce aux enregistrements d’Oscar Peterson et de George Shearing. Il écoute également d’autres pianistes comme McCoy Tyner, Wynton Kelly et Bill Evans…

Herbie Hancock

J‘arrête là le récit d’une vie si extraordinairement remplie pour vous dire qu’à 83 ans Herbie est toujours le même phénomène, virtuose, inventif, passionné, drôle et à l’écoute de ses musiciens, même lorsqu’ils délirent un peu et qu’il est dur de les arrêter. Fabuleuse soirée dont j’ai raté le début car mes chers Pingouins s’arrêtaient à 11 : PM alors qu’Herbie Hancock commençait. Avait-il eu le temps de se chauffer et de chauffer la salle, il était déjà en pleine élucubration, passant du piano au clavier, chantant, parlant, ouvrant le bal pour ses musiciens Herbie Hancock : piano, claviers
avec une chaleur contagieuse qui semblait de plus pouvoir jamais  retomber ! Terence Blanchard : trompette, James Genus : basse, Lionel Loueke : guitare, voix, Jaylen Petinaud : batterie

Chant d‘adieu ou de renaissance ? Nous étions face à un homme qui donnait tout, un chaman captivant un public ensorcelé…

Un très grand moment !

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