OVNi – festival d’art vidéo – Le WindsoR – NICE
La première édition d’OVNi a été un succès, qu’on se le dise dans les chaumières, et une manifestation à renouveler chaque année, qu’on se le dise en mairie !
L’événement a été créé par Odile Redolfi-Payen, directrice et propriétaire de l’hôtel WindsoR, ce délicieux havre de paix et de verdure, sis en plein cœur de Nice et connu pour ses qualités d’accueil, mais aussi, pour celles plus rares, de mécénat pour l’art contemporain.
Un petit pitch maintenant pour expliquer en quoi consiste cette manifestation qui a été très suivie à Nice, mais qu’un public national et international n’a pas encore réellement eu le temps d’inscrire dans son agenda, si j’en juge par les visiteurs rencontrés : « Parrainé par Christian Bernard, directeur du M.A.M.C.O de Genève et ancien directeur de la Villa Arson, ce festival d’art vidéo a réuni une vingtaine de structures artistiques, locales et étrangères, choisies pour leur expertise et leur expérience. Il leur a été laissé carte blanche pour construire une programmation exigeante mais également accessible, car cet événement, ouvert à tous et gratuit, a pour objectif de favoriser la diffusion de la vidéo d’art auprès du grand public. Dans l’intimité des chambres de l’hôtel, les visiteurs ont pu découvrir une sélection éclectique d’œuvres d’artistes de France ou d’ailleurs ; et ont pu par la même occasion visiter les chambres déjà investies à l’hôtel WindsoR par des artistes internationaux comme Ben, Glen Baxter, Olivier Mosset ou bien encore Raymond Hains. »
Pour tout savoir : http://www.ovni-festival.fr
Après cet exposé théorique entrons dans le vif du sujet. Je ne suis sans doute pas la meilleure personne pour être le chantre de l’œuvre vidéo car mon amour du cinéma me porte davantage vers le long métrage et ce qui le constitue, c’est-à-dire un vrai sujet, une réalisation originale et inspirée, des images bien conçues et bien cadrées, des acteurs talentueux, etc., en un mot un beau travail de professionnels !
Exception faite de créations telles que celles de Name June Paik, Bill Viola, Matthews Barney, Tony Oursler…, qui m’ont clouée sur place et me restent en mémoire, j’avoue ne pas être très sensible à cet art jeune (autour des années soixante) et encore trop expérimental pour je m’y attache et plus encore, que je le collectionne (une autre de mes interrogations porte sur le devenir marchand de ce média hors institutions)… Je reconnais, cependant, que mon propos se prête à la polémique car c’est un peu comme si, citant Matisse et Picasso, je me désolais de ne pas découvrir de jeunes peintres qui arrivent à leur hauteur…
Mais je m’égare, revenons à OVNi et à sa réussite. Elle tient en tout premier lieu, je crois, à la personnalité d’Odile Redolfi-Payen qui a su donner à la manifestation ce côté chaleureux et convivial si important quand on reçoit, mais particulièrement dans un lieu où les visiteurs sont invités à s’installer confortablement dans fauteuils et lits pour découvrir dans chacune des chambres de l’hôtel des vidéos qui durent environ entre trois et dix minutes…
Cela dit, malgré mes réserves affectives quant aux œuvres vidéo, dues en partie à mon ignorance, je dois reconnaître en avoir découvert quelques-unes qui m’ont bien accrochée… Ne voyez dans ce choix qu’un goût personnel et non une échelle de valeur !
Collection du Nouveau Musée National de Monaco, l’œuvre de Marion Tampon-Lajarriette, Camera 1, Plan 8, 2008, vidéo animation, 4mn, en boucle, m’a enthousiasmée. D’abord visuellement, par la projection en boucle au plafond de la surface en mouvement d’un océan de synthèse, mais aussi par la référence cinématographique à La Corde (Hitchcock, 1948), un film tourné en un mouvement de caméra continu. La scène reconstituée est celle où la camera arpente soudain de façon autonome le décor de l’appartement vide alors qu’un personnage décrit à haute voix comment le meurtre – auquel personne n’a assisté – aurait pu être commis. La bande son de la vidéo utilise cette voix off, mais aussi d’autres sons provenant du décor (bruits de pas ou de portes) et une musique dramatique qui ouvre et clôt le film…
Dans la salle de bains, une autre vidéo de Marion Tampon-Lajariette, en boucle elle aussi, nous fait espérer la possibilité d’une île et d’y avoir accès, mais le mouvement de l’eau qui y conduit ne donne que l’allusion trompeuse d’avancer vers elle…
Deux œuvres très abstraites et pourtant si évocatrices d’images qu’on ne sait si leur force vient de leur pouvoir onirique ou de souvenirs enfouis…
Autre moment marquant de ma déambulation d’une chambre à l’autre, l’œuvre de Franck Lesbros, présentée par Marseille Expos : Nightsquare apology, durée 6mn, 2013. Elle évoque un espace architectural en évolution ; une pièce où rien n’est figé. Les fenêtres changent d’emplacement en fonction de la lumière extérieure, et des modules évoquant des peurs infantiles
(arbres, balançoire…) apparaissent par instants pour venir habiter l’espace intérieur.
Cette œuvre, plus proche de l’installation que du récit vidéaste, n’est pas sans me rappeler certaines sculptures de l’artiste marseillaise Katia Bourdarel…
Choisie par Porte Avion, Marseille, Isla, durée 9,14 mn, 2014, nous invite à traverser les eaux pour découvrir une île inconnue. Le temps de la projection, nous explorons son paysage inquiétant et mystérieux. Territoire fictif et imaginaire, l’homme en est apparemment absent, mais sa présence imperceptible interagit sur le paysage…
L’œuvre dans son étrange vacuité, incite le regardeur à y tourner sa propre histoire, à y introduire son humanité…
Le choix de projeter dans le jardin luxuriant de l’hôtel la vidéo Evanesce, durée 6mn, de l’artiste Park, Jihye, retenue par Song-Eun Art Space, Corée, pays invité, amplifie encore les émotions subtiles, obscures et indéfinissables qui émanent de cette œuvre. L’errance de cette jeune femme à travers la forêt suggère tout ce que la nature humaine véhicule de violence dans ses désirs et leur refoulement.
Autre concordance avec l’atmosphère du lieu, cette vidéo installée dans le hall de l’hôtel, L’Adieu où, sur la musique vibrante et tragique de Gustav Mahler portée par la voix radieuse de compassion de Kathleen Ferrier chantant Le chant de la terre, Cyd Charysse, Fred Astaire, Ginger Rogers, Gene Kelly, Eleanor Powell dansent avec légèreté et élégance ce que les comédies musicales américaines nous ont donné de meilleur : l’illusion magique du bonheur…
Si j’ai choisi de vous parler essentiellement des œuvres présentées dans l’hôtel WindsoR, et non des lieux « hors les murs » invités par Botox(s), le réseau d’art contemporain de la Côte d’Azur, à participer à ce festival, c’est que le temps m’a manqué pour les visiter tous. Je n’ai fait qu’une brève incursion à l’Espace Gred et au très beau local de Stéphanie Marin qui présentait une œuvre de l’artiste Céleste Boursier-Mougenot.
Un peu de prospective pour conclure. Revenons à la sélection des œuvres, elle a été faite, nous dit-on, « par une vingtaine de structures artistiques, locales et étrangères, choisies pour leur expertise et leur expérience » auxquelles on a laissé carte blanche – elles sont listées dans le lien en début de mon article… Il y a sans doute là matière à réfléchir…
Un comité indépendant, moins impliqué que les structures ou galeries qui défendent leurs artistes, serait profitable à la sélection, afin d’éviter une certaine monotonie dans la globalité des choix, mais aussi la participation d’œuvres assez faibles…
Enfin, il me semble que compte tenu de la quantité de lieux impliqués et la multitude d’œuvres présentées, trois jours, c’est trop court (ça me rappelle : » COURT MÉTRAGE NICE – Un festival c’est trop court « , une manifestation qui existe depuis quinze ans et de laquelle il serait peut-être judicieux qu’OVNi se rapproche).
Deux choix me paressent intéressants à explorer pour l’avenir : soit garder un festival de trois jours et se cantonner au seul hôtel WindsoR, ce qui me semble largement suffisant ; soit élargir la manifestation aux divers lieux de la ville (comme ce fut le cas cette année), mais durant une semaine, le vernissage et les trois premiers jours étant exclusivement réservés au WindsoR…
En tout cas, cette première session d’OVNi nous a fait vivre à Nice trois jours intenses, souhaitons au Festival une longue vie et beaucoup de nouveaux visiteurs pour les années à venir…
Très belle sélection chère Lola ! Et je rajouterai Kiarostami et ses dormeurs au rez de chaussée pour l adéquation entre oeuvre et cadre ! Encore Bravo a Odile Redolfi pour ce tres beau festival !
j’ai raté ça pour cause de manké, mais l’article donne envie d’être au rendez-vous l’an prochain…