Parasite
Pour me consoler de ne pas voir Pedro Almodóvar enfin couronné de la Palme qu’il mérite, j’ai assisté, en simple regardeuse (on aime bien ce terme dans notre jargon artistique), à la projection de Parasite, le film du Coréen Bong Joon-ho, Palme d’Or du Festival de Cannes 2019, et précédemment auteur de Memories of Murder, The Host et Snowpiercer (que je n’ai pas vus) qui s’inscrivent, me dit-on, dans la tradition des récits de domesticité. Ainsi préparée, j’aurais peut-être mieux digéré cette Palme qui, en dehors d’images virtuoses, de situations parfois burlesques, et d’une photographie impeccable, ne mérite pas ce que la critique entière et entièrement dithyrambique, a célébré comme un chef d’œuvre, mais grand public, s’excuse-t-elle quand même !
Le synopsis
Toute la famille de Ki-Taek est au chômage. Un jour, leur fils, Ki-Woo, réussit à se faire recommander pour donner des cours particuliers d’anglais à la fille des Park, une famille au riche train de vie. C’est le début d’un engrenage incontrôlable et incontrôlé, moteur de situations rocambolesques et tragiques, où chacun joue sa vie à qui perd gagne.
Cette satire cruelle et virtuose, je cite, de ces deux familles, une riche et une pauvre, dans une lutte des classes verticale, nous embarque, pendant deux heures dix, dans des situations incroyables d’une société coréenne à deux étages ( d’où les escaliers), qui finit par me faire trouver le temps long, surtout que Bong Joon-Ho se prend les pieds dans le scénario, au point de laisser passer quelques invraisemblances et d’opter pour un bouquet sanguinolent qui n’est pas le bouquet final, les choses reprenant étrangement un cours presque normal pour terminer.
Vous ne comprenez rien à mon charabia ? Alors allez voir le film ! Il est bon, extrêmement bien filmé, chez les pauvres comme chez les riches dont la maison ferait un excellent reportage pour Art&Décoration. En ce qui concerne la dénonciation d’une lutte des classes, elle oscille entre drôlerie et tragédie, mais le trait est lourd, systématique, attendu…
En conclusion
Comme le confie Phèdre à Oenone : « Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée/ C’est Vénus tout entière à sa proie attachée. », Eh bien, Oui je le confesse, pour moi Douleur et Gloire de Pedro Almodóvar reste et restera la Palme d’or 2019 du Festival de Cannes. C’est, je pense, un match entre la maturité, la profondeur d’une œuvre et la superficialité brillante de la jeunesse de l’autre, mais Bong Joon-Ho a beaucoup à apprendre du premier, même si ses références sont Godard et Truffaut (ça ne mange pas pain, comme on dit trivialement).
On me fera remarquer que Parasite traite de la lutte des classes, donc d’un sujet de société, cheval de bataille à la mode, d’où l’extase de la critique, alors que Gloire et Douleur se complait dans l’analyse d’un parcours personnel, mais pour reprendre un aphorisme qui m’est cher je dirai : « l’universel c’est le local moins les murs »
Et parce que je le lâche pas le morceau, à ceux qui expliquent que le Jury du festival ne peut donner qu’une seule récompense par film – justification de l’absence de prix pour Almodóvar à cause de la récompense de Banderas – je rappellerai l’historique des prix du Festival de Cannes et de ses exceptions :
Le règlement concernant les délibérations a évolué avec le temps afin de pallier les excès. Après que Barton Fink, en plus de la Palme d’or, a obtenu les prix de la meilleure réalisation et de la meilleure interprétation masculine en1991, les jurés n’ont alors plus le droit de donner plusieurs prix à un même film. Seul l’un des deux prix d’interprétation pouvait s’ajouter à une autre récompense. Par trois fois, les membres du jury ont toutefois dérogé à la règle, à savoir en 1999 et en 2001 avec le grand prix et les deux prix d’interprétation attribués respectivement à L’humanité de Bruno Dumont et à La Pianiste de Michael Haneke, puis en 2003, année où quatre films seulement ont été récompensés, le président du jury, Patrice Chéreau, avait en effet, à ce moment-là, réclamé une « violation exceptionnelle du règlement » qu’il s’était vu accorder et trois films étaient repartis avec deux trophées chacun dont Elephant de Gus Van Sant, auréolé de la Palme d’or et du prix de la mise en scène.