Philippe Cognée* a la réalité cireuse.
La vie. Ses coups de foudre. Humains. Et puis les autres. Mystérieux. Pourtant leur alchimie est la même. On aperçoit et soudain le temps s’arrête. On est pétrifié. Médusé. On contemple. Et si on réfléchit un peu on se dit que l’on a toujours voulu rencontrer cette œuvre, croiser cette image, pour les plus téméraires on va jusqu’à imaginer que c’est cette image là et elle seule que l’on aurait aimé créer. Mais le talent, la technique et sa maîtrise ne sont pas toujours au rendez-vous, alors on bat en retraite. On s’avoue vaincu et l’on se laisse absorber, avaler par l’œuvre de celui qui déconstruit, floute, cire, et recompose le tableau de nos vies, de nos imaginaires et émotions : Philippe Cognée. Philippe Cognée a pour la quotidienneté d’un réel qui nous broie une véritable passion. Une obsession.
Des hypermarchés aux musées, des objets à la banalité parfois indigente, il nous donne à voir une recomposition de notre décomposition sociétale autant de chefs-d’œuvre. La technique de Philippe Cognée lui est particulière : il photographie ses sujets, ou bien les filme en vidéo puis en photographie quelques images diffusées sur l’écran d’un moniteur. Ces images, telles quelles ou déconstruites, ré-assemblées, sont ensuite projetées sur le support (toile ou bois). Il utilise alors une peinture à l’encaustique faite de cire d’abeille et de pigments de couleur pour reproduire les images choisies. Il dispose cette peinture au pinceau sur la toile, puis recouvre ensuite celle-ci d’un film plastique sur lequel un fer à repasser chauffe la cire pour la liquéfier, étalant et déformant les formes, ce qui a pour effet de créer un enfouissement trouble du sujet dans la matière. Le film plastique, lorsqu’il est décollé, produit à certains endroits des manques dus à l’arrachage de la couche picturale. L’image semble alors piégée sous une surface glacée.
Cognée évoque cet effet de « floutage et amélioration » de l’image comme une manière d’effacer le geste pictural du peintre, sa signature. Cependant l’artiste est conscient que cette technique, devenue récurrente dans son œuvre, est devenue à son tour sa signature.
Certes voici sa technique évoquée et résumée. Mais pour autant rien ne nous explique cette émotion, ce blaste qui nous laisse affolé, amoureux, démuni lorsque l’on est face à un Cognée. Là commence la part de l’ange. Le rêve. Mieux, le fantasme de l’artiste nous offrant Sa vision de la réaliste. Cette distorsion stratégique qui nous engloutit dans une réalité – enfin – supportable. Cette nouvelle forme de figuration est très probablement l’inscription la plus légitime trouvée pour aborder en restant vivant ce siècle, ce millénaire qui ne va pouvoir nous être envisageable que dans ce nouvel état : flou. À trop s’être cogné à la réalité brute, brutale, irrespirable de la fin des années 90 et de cette atmosphère millénariste la réponse de Philippe Cognée est la bonne à n’en pas douter: cirer, écraser, décomposer et recomposer un réel qui nous soit enfin supportable et parlant pour s’y blottir. Rassurés. Presque rassurés.
Sonia Dubois.
* Ce que je veux offrir dans l’exposition c’est la possibilité de relire à travers un sujet une grande histoire de la peinture, la fleur, que l’on retrouve chez de nombreux artistes, de Léonard de Vinci à Vincent Van Gogh et Gérard Richter, pour n’en citer que quelques-uns.
Ce n’est pas un sujet politique mais plutôt permanent, ces fleurs déchues nous renvoient à nous même car en tant qu’objet magnifique mais pourtant périssable. La peinture que je fais ne cherche pas à être polémique mais plutôt incarnée, et elle a besoin de sujets forts comme les fleurs pour ce faire. Peindre des fleurs ne m’intéressent pas, c’est peindre des fleurs fragiles, au bord de la chute qui me plaît. Elles révèlent une autre beauté et nous montrent que la vie est hélas trop rapide.
Philippe Cognée
Vernissage est le samedi 11 janvier, de 12h à 20h
Du 7 janvier au 11 mars 2020
Exposition, galerie Templon
30, rue Beaubourg, 75003 Paris