Pierrick Sorin, 
Courtesy De L'artiste © ADAGP, Paris, 20
23
Musée Fernand Léger
Pierrick Sorin, Courtesy de l'artiste © ADAGP, Paris, 20 23 Musée Fernand Léger

Pierrick Sorin, « Le Balai mécanique »

Avant même la rencontre avec la gigantesque installation de Pierrick Sorin dans une salle obscure qui lui est consacrée dans le musée Fernand Léger, on saisit, grâce à son titre, que le moment ne va pas être triste, même si l’on ignore, en visiteur lambda, que près d’un siècle avant, en 1924 exactement, Le Ballet mécanique, un film expérimental avait été réalisé par le peintre Fernand Léger et le cinéaste américain Dudley Murphy. Cet écho humoristique d’un artiste vidéaste, metteur en scène et scénographe se place dans le prolongement de l’exposition Fernand Léger et le cinéma, présentée en 2022, qui mettait en lumière les relations fertiles chères à Fernand Léger entre peinture et images en mouvement.

Pierrick Sorin, « Le Balai mécanique », techniques mixtes

Pierrick Sorin nous en dit plus, dans un entretien qu’il a accordé à la revue culturelle Kostar :  « Cette installation artistique répond à une commande du musée national Fernand Léger qui consiste à créer une œuvre en écho à l’univers de Léger, artiste marquant de la première moitié du XXe siècle. Son œuvre reflète à la fois une recherche « savante », inscrite dans le questionnement de l’époque en matière d’art et un questionnement très populaire : dans ses dessins et tableaux, personnages ou objets issus du monde du travail, des loisirs, du spectacle tiennent un place de choix.  Admirateur de Chaplin, Léger a également nourri une relation forte avec le cinéma,  un art en résonance avec son goût pour la modernité, le mouvement et la beauté « mécanicienne ». En 1924 , il réalise un film, Ballet mécanique sur une composition musicale de George Antheil.(…).

Mais laissons l’histoire de Fernand Léger, imprégnée pour moi d’une certaine raideur didactique pour se fondre dans la poésie qui baigne l’installation de Pierrick Sorin, dans son humour où surgissent, çà et là, les attitudes mécaniciennes d’un Chaplin et surtout d’un Jacques Tati, génie à l’humour rarissime fait de maladresse, de critique aiguë de notre société, mais toujours imprégnées d’une grande tendresse.  Dans une scène agrandie à l’extrême, le guignol Pierrick Sorin, artiste caméléon, intervient en boucle, et opère la même fascination sur le public que le  fait le théâtre de Guignol sur les enfants à la fois effrayés et ravis !

Ce moment magique, Sorin nous l’offre aussi, avec une fraicheur extrême et une précision d’horloger, servies par des jeux de rôles désopilants et une machinerie d’une complexité démente.

Pour vous en dire plus sans me tromper je préfère donner la parole à l’artiste : « Au travers d’un pavé de verre, une caméra miniature cadre un disque de vinyle. Tout peinturluré, façon Pollock, il tourne lentement. Derrière, l’image ainsi cadrée s’affiche sur un écran qui occupe toute la largeur de la salle. Une fresque mouvante, abstraite, se déploie. Des taches de couleur et des lignes se déforment sans cesse sous les effets conjugués du mouvement et du verre. D’autres dispositifs, une dizaine, toujours générateurs d’images animées, sont répartis dans l’espace . Ici, des lamelles de papier coloré ondulent au-dessus d’un ventilateur. La, tournent des moulins à vent aux ailes chatoyantes – des jouets de plage pour enfants. Plus loin, une boule de Noël se balance sous un portique. Ailleurs encore, trois balais à chiottes, en rotation sur une roue, frottent régulièrement la surface rugueuse d’une râpe à fromage. Ce mécanisme, comme d’autres, génère du son.(…).

Anne Dopffer, directrice des musées nationaux du XXe siècle, commissaire de l’exposition situe ainsi l’artiste incatalogable qu’est Pierrick Sorin : né à Nantes en 1960, il incarne dans des vidéos inspirées par le cinéma muet et les univers poétiques de Georges Méliès et Jacques Tati, un personnage qui interroge avec une ironie malicieuse le sens de notre vie. A partir de 1995, les « théâtres optiques » qu’il crée avec des procédés de fabrication artisanale, mettent en scène dans des saynètes comiques un double burlesque de Pierrick Sorin. Totalement inadapté aux contraintes et normes sociales d’aujourd’hui, cet anti-héros apparaît sous la forme d’un hologramme miniature qui se donne en spectacle dans un décor bricolé, composé d’un assemblage d’objets réels et fictifs: « Mon travail présente […] un aspect intellectuel qui interroge l’activité artistique et offre, avec humour toutefois, une vision assez pessimiste sur l’humain, et un aspect plus enfantin, naïf, fondé sur la simple magie visuelle ». Pour le musée national Fernand Léger, Pierrick Sorin a imaginé une œuvre spectaculaire et immersive, qui entraîne le spectateur dans son univers tragi-comique. Cette installation monumentale, qui associe projections jouant sur des effets de relief et machineries réelles, rend hommage à la modernité et à l’inventivité esthétique de l’œuvre de Fernand Léger (1881-1955), l’un des artistes pionniers de l’avant-garde artistique du XXe siècle. Près d’un siècle après Le Ballet mécanique, film expérimental co-réalisé en 1924 par Fernand Léger et le cinéaste américain Dudley Murphy, Pierrick Sorin invente Le Balai mécanique, qui détourne ce chef-d’œuvre de l’histoire du cinéma avec un humour facétieux, légèrement impertinent. Au-delà d’une fascination commune pour l’illusion du cinéma des origines, Pierrick Sorin développe une démarche artistique proche des recherches du peintre Fernand Léger : les deux artistes s’attachent à mettre en mouvement, et à donner une dimension esthétique et chorégraphique, à des objets banals, issus du quotidien. Par-delà les générations, ils partagent aussi une même conception de la figure de l’artiste, qui n’apparaît pas comme un génial démiurge isolé des tracas de la civilisation humaine, mais comme un artisan, un modeste « ouvrier de l’art ». En parallèle de l’installation de Pierrick Sorin, le visiteur peut assister à la projection du Ballet mécanique de Fernand Léger, présenté dans l’auditorium du musée, afin de mieux percevoir le dialogue thématique, formel et esthétique qui unit les deux œuvres.

Musées nationaux du XXe siècle des Alpes-Maritimes

15 avril – 15 décembre 2023

Musée national Fernand Léger,

Chemin du Val de Pôme, 06410 Biot

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.