Prendre le train en marche.
En lisant Nice-Matin, j’ai été heureuse d’apprendre que notre Premier ministre avait passé la nuit au bord du Paris-Nice, un train de nuit ressuscité après avoir été supprimé en 2016 par le précédent gouvernement. Certes cette arrivée ministérielle n’a pas eu le faste qu’on aurait pu espérer pour célébrer le retour du Train bleu, ce rapide de luxe, officiellement baptisé «Calais-Méditerranée-Express », lancé en 1886 par la Compagnie des wagons-lits (CIWL) et circulant entre Calais (correspondance de et vers l’Angleterre) et Vintimille via Paris, Dijon, Marseille, Toulon, Saint-Raphaël, Cannes, Juan-les-Pins, Antibes, Nice, Monaco, Monte-Carlo et Menton, mais les temps sont à la modestie et remettre à la mode le train en marche c’est avant tout écologique puisque, parait-il, nous ne prendrons plus l’avion que pour des voyages exceptionnels et de longue distance. Donc foin de quelque belle serrant dans ses bras un chiwawa, alors que son porteur croule sous des Vuitton de toutes tailles, mais simplement un ministre attendu par des cheminots cégétistes ! Altri tempi, dirait ma grand-mère! Dans mes souvenirs, en tout cas, mon voyage en Train bleu reste un des moments les plus féeriques de mon enfance. Il figure dans mon livre : « Jane et Zacharie » au chapitre 37 :
« Le plus simple aurait été de prendre l’avion mais Jane semblait vouloir soumettre ma venue sur son territoire d’origine à un rituel. Elle désirait que je découvre cette Côte d’Azur que curieusement je ne connaissais pas, en me réveillant bercé par le mouvement d’un train qui longerait la mer. C’était, me disait-elle, parmi les plus beaux souvenirs d’enfance que lui avait offerts son père. Il lui avait fait découvrir Paris en l’emmenant avec lui par le fameux Train Bleu qui quittait Nice à la nuit pour arriver en gare de Lyon le lendemain matin. Outre les merveilles de la capitale qui avait ravi l’enfant qu’elle était : la Tour Eiffel, le métro, le Louvre, le Jardin des plantes, le Jardin d’acclimatation…, il y avait eu ce retour magique vers Nice. La couchette luxueuse qu’elle partageait avec son père s’était soudain éclairée, baignée d’un soleil radieux qui filtrait à travers les rideaux beiges et dentelés voilant les fenêtres. Elle avait alors baissé la vitre, profitant à la fois de la senteur marine et de l’intensité du bleu heurtant les roches rouges de l’Estérel. Comment pourrait-elle retrouver la magie de cet instant ? C’était enfantin de l’espérer mais j’étais touché qu’elle veuille me faire partager ce bonheur passé. Nous étions donc arrivés à Nice par le train et ma découverte de la Méditerranée sous le soleil, même d’hiver, ne fut pas en dessous de l’émotion décrite par Jane. Moins emballé par la gare de Nice que je trouvai assez quelconque à l’exception de sa belle verrière, je lui en fis la remarque, mais sa seule préoccupation à cet instant était de repérer son père parmi la foule qui attendait les voyageurs. L’ayant enfin aperçu, elle m’abandonna avec armes et bagages pour courir à sa rencontre. Décidément, me dis-je, ce retour au bercail avait tendance à la faire retomber en enfance, ce qui pouvait être attendrissant mais surprenant quand même pour qui avait comme moi pratiqué cette panthère new-yorkaise. Je ramassai nos valises, son sac et quittai le train dont on annonçait déjà le départ pour Vintimille. (…) »
Maintenant un peu d’histoire à propos du Calais-Méditerranée
LES ARCHIVES DU FIGARO
Le Train bleu inaugurait ses nouvelles voitures-lits grand luxe en 1929 – Il y a 90 ans, le train de luxe réaménagé, qui reliait Calais à la Côte d’Azur, faisait son voyage inaugural. Il était plus beau et plus confortable. Le summum du summum.
Le plus beau train du monde
Par Véronique Laroche-Signorile, Publié le 21/01/2019 à 09:48
« Le 20 janvier 1929 le Train bleu Calais-Méditerranée Express -avec ses nouvelles voitures-lits de grand luxe- effectue son premier voyage Calais-Côte d’Azur. L’inauguration officielle est organisée par les Compagnies des chemins de fer du Nord, du P.-L.-M. (Paris-Lyon-Méditerranée) et des Wagons-Lits. Parmi les invités: des représentants du Ministère des travaux publics, des Grands réseaux français, des Réseaux anglais. Ainsi que les représentants de grands journaux français et internationaux.
Le luxe des années 20: confort et hygiène
Article paru dans Le Figaro du 22 janvier 1929.
Le nouveau train bleu Calais-Nice
Les privilégiés qui ont été conviés à l’inauguration, du «nouveau train bleu» ont constaté une fois encore avec quelle prévenante courtoisie et quels soins attentifs nos grands réseaux savent recevoir, et aussi avec quel persévérant effort ils se préoccupent du bien-être des voyageurs. Lorsque le premier train bleu fut, mis en service, au mois de décembre 1922, on pût croire qu’était atteint le couronnement de l’œuvre grandiose entreprise depuis 1877 par la «Compagnie internationale des wagons-lits et des grands express européens», et voici qu’apparaît une nouvelle formule de train bleu réalisant un sensible progrès de confort et d’hygiène.
Le voyageur isolé dans une cabine spacieuse et claire la voit se transformer, au gré de ses besoins, en petit salon orné d’un divan moelleux et d’un siège mobile, puis en chambre à coucher ou un lit véritable remplace l’étroite couchette; d’autre part, il lui suffit d’ouvrir toutes grandes les portes d’une armoire de coin pour disposer d’un cabinet de toilette parfaitement agencé. Enfin chose précieuse le voyageur est constamment maître du chauffage de sa cabine.(…)