Quand le jazz est là… Nice Jazz Festival.
Il est revenu sur la promenade des Anglais, ce jazz auxquels les Niçois sont si attachés, eux qui en avaient été privés par un camion tueur, porteur d’une idéologie monstrueuse et balayant sur son passage toutes les fêtes, toutes les joies possibles après ce terrible feu d’artifice du 14 Juillet 2016.
Mais ce deuil, s’il durait trop, donnerait raison à ces assassins qui veulent nous priver de tout ce qui fait notre vie : les joies du divertissement, de l’amitié, de l’amour, de la famille et de l’art sous toutes ses formes. C’est pourquoi, après les commémorations bouleversantes de ce nouveau 14 Juillet dans notre ville, Nice Jazz Festival renaît des cendres d’un feu qui, hélas, ne fut pas que d’artifice, pour chanter avec Nougaro qui aimait tant le piano/bar de l’Oyster Club, rue Maccarani : Quand le jazz est là.
Maintenant, si ce festival dans l’ensemble très réussi, et qui n’a enregistré qu’une faible baisse de fréquentation malgré un an d’arrêt, a évoqué pour moi ce beau texte de Nougaro, c’est aussi parce que son refrain : « Quand le jazz est là – La java s’en va (…) », met en concurrence deux modes d’expression musicale, non pas la java et le jazz, mais le jazz pur (le vrai, diraient les aficionados), celui essentiellement des instruments, et ce qu’on appelle les musiques actuelles, qui sont plus des shows où la voix, même excellemment soutenue, prime… J’aime bien à ce sujet ce que dit le grand Herbie Hancock (présent au festival mais que je n’ai pu écouter) au sujet du jazz qui, pour moi, le différencie de la sorte d’idolâtrie qu’un public peut consacrer aujourd’hui à un(e) interprète vedette : « (…). Le jazz est dans l’instant, sans porter de jugement. Lorsque vous jouez sur scène, vous ne jugez pas le jeu des autres musiciens. La seule chose que vous devez avoir en tête est de mettre l’autre en valeur, peu importe ce qu’il fait. Votre mission et votre désir sont de faire en sorte que ce soit épanouissant. (…)
Au Nice Jazz Festival les deux tendances, jazz et musiques actuelles ont leurs espaces favoris, le Théâtre de Verdure pour le premier et la Scène Masséna pour les secondes. Compte tenu d’une passion vieille de mon plus jeune âge, c’est au jazz que j’ai donné mon cœur et que je connais bien, à la tête d’une impressionnante collection de 33 tours, même si depuis plusieurs années, j’ai beaucoup délaissé la musique en général… Alors, vous vous en doutez, j’ai fait partie de cet auditoire au cheveu blanchi par les ans, à la quête d’un siège, assis en tout cas, et qui écoute religieusement ses groupes favoris, scandant la bonne intervention de chaque soliste par de vifs applaudissements et sifflements…, un comportement de clubber, moins adapté à cet amphithéâtre à l’air libre qu’aux salles hermétiquement closes, enfumées et alcoolisées qu’ont été The Village Vanguard, The Blue Note, The Birdland à New York ou le New Morning à Paris…
Je n’ai pas tout entendu, et tout ne m’a pas subjuguée, mais je retiendrai absolument le groupe Abdullah Ibrahim & Ekaya & very special guest Terence Blanchard pour la touche magique, reconnaissable entre toutes, d’Abdullah Ibrahim qu’on écouterait jusqu’à plus soif. Amoureuse de la contrebasse et ayant en mémoire l’incroyable performance de Charlie Mingus à Cimiez, j’ai entendu avec un bonheur neuf Henri Texier Sky Dancers 6, et spécialement l’envoûtant chant d’Henri Texier à la contrebasse, qui convoque les tribus des Indiens d’Amérique, auxquelles il emprunte leurs noms pour les donner à chacun de ses morceaux … magnifique !
Pour terminer ce festival en beauté, j’ai été comme beaucoup déchirée entre l’envie d’écouter, Scène Masséna, Lamomali, L’aventure malienne de – M – où Matthieu Chedid se promettait de nous prendre par la main pour franchir un pont entre Paris et Bamako, au son de la Kora de Toumani Diabaté et celle de participer, au Théâtre de Verdure, à la grand-messe de Kamasi Washington, sa famille et ses musiciens dont on m’avait vanté la monumentale intervention en 2015. J’ai opté pour Washington à mon grand regret. Si le spectacle est immense, car le saxophoniste californien dont le son est remarquablement puissant et clair, intervient entre deux colonnes de batteries tonitruantes, il pèche par son côté scénique mal construit (une chanteuse/danseuse inaudible et inutile) et une gestion globale du son brouillonne, pour ne pas dire cacophonique.
Je ne voudrais pas cependant finir sur une note discordante alors que dans son ensemble, le festival était de bonne qualité et pour ce faire, bien que je ne l’aie fréquentée que peu, la Scène Masséna m’a offert un immense plaisir : découvrir Chinese Man « Shikantaza Live ». Entre le rap américain, la funk music, la soul, le reggae et le jazz, ces cinq garçons, (je crois qu’ils étaient cinq mais ils bougeaient tellement que je n’ai pas réussi à les compter) dégagent une énergie incroyable, qui fait mentir le titre Shikantaza qui veut dire : « assis à ne rien faire» selon une école de bouddhisme zen sôtô qui professe, selon nos énergumènes, « une invitation à lâcher prise, à saisir le moment présent, un chemin vers l’éveil qu’il appartient à chacun d’emprunter ». Ah ça, on lâche prise, avec ces Ardéchois/Marseillais qui avec ce morceau-titre exotique, aux notes de gamelan, aux chants venus d’ailleurs, aux percussions envoûtantes, nous emmènent je ne sais où, mais au pays de l’humour en tout cas ! Ajouter à ce désordre indicible d’extraordinaires vidéos devant lesquelles ces diables, au phrasé vocal inouï, gesticulent dans la joie la plus absolue… comme disent les guides, ça vaut le détour !
Nice Jazz Festival
17-21 juillet 2017
Merci Lola de tes commentaires sur le Festival et le jazz et en général sur la reprise nécessaire de la vie à Nice (et je crois que c’est reparti ! Pour Chinese Man voici deux liens. Le premier de dix minutes est leur « dessin animé ». L’autre. est le concert intégral il y a deux étés de Shikantaza Live au Paléo Festival de Nyon en Suisse.. Bien filmé et un bon son permet d’avoir une pincée de jalousie pour ceux qui sont allés au Festival de Jazz de Nice.. Qui se bonifie ! Una
Voici les liens annoncés ! Una
https://www.youtube.com/watch?v=biNqld6BCI4
Il y a deux étés, bien filmé, on peut voir Chinese Man au Paléo Festival de Nyon en Suisse