Agnès Jaoui Photo Olivier Vigerie UniFrance
Agnès Jaoui Photo Olivier Vigerie UniFrance

Rencontre avec Agnès Jaoui

Au Théâtre de l’Artistique de Nice, le 24 octobre 2021

Dans le cadre du festival Ciné Roman du 20 au 24 octobre 2021, le Théâtre de l’Artistique de Nice accueillait le 24 octobre 2021 Agnès Jaoui pour une rencontre avec le public, animée par la journaliste et romancière Vanessa Schneider, l’occasion de découvrir en toute simplicité la comédienne, scénariste, réalisatrice et chanteuse.

Forte d’une carrière de comédienne débutée dans les années 80, Agnès Jaoui fut révélée au grand public dans « Cuisine et dépendance » qu’elle coécrit avec le regretté Jean-Pierre Bacri.Depuis, elle tient une place à part dans le cinéma français. La reconnaissance par ses pairs et le public, fruit de son talent de comédienne et de ses qualités d’écriture lui vaudront pas moins de six Césars (« Smoking/No Smoking, « Un air de famille », « On connaît la chanson », « Le goût des autres ») et une nomination aux Oscars pour « Le goût des autres ».
Ses débuts sont pourtant timides et la métamorphose de la chrysalide se fera attendre. Son appétence pour l’écriture lui vient dès l’âge de 11 ans. Elle avoue que très jeune elle a cherché un moyen rapide pour exister, pour être aimé. Guidée par ce désir de facilité, elle se tourne vers la comédie qui lui fait découvrir les auteurs puis les cinéastes.
Elle n’ose portant s’affirmer en tant qu’auteur et préfère se dissimuler derrière des réalisateurs confirmés, laissant ainsi les rennes de la mise en scène de « Cuisine et dépendance » et « Un air de famille » à Cédric Klapisch ou collaborer avec Alain Resnais en écrivant « Smocking/No Smocking » et « On connaît la chanson ». C’est une période d’observation, d’apprentissage durant laquelle elle apprendra énormément auprès des metteurs en scène avec qui elle collabore.
Elle attendra le début des années 2000 pour endosser le rôle du metteur en scène en toute légitimité. Elle réalisera à partir de cette date tous ses films dont elle signe toujours le scénario. (« Le goût des autres », « Comme une image », « Parlez-moi de la pluie », « Au bout du conte », « Place publique »).
Sensible à la condition de la femme dans la société.
Humour et causticité, véritable ADN des scénarios du duo Jaoui/Bacri se mêlent à l’émotion, dans les propos d’Agnès Jaoui à la simple évocation de sa jeunesse et de sa timidité de jeune auteure.

Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri

– « Quelles sont les raisons qui vous ont motivé à écrire vos propres scénarios ? » demande un spectateur. « Le chômage ! » rétorque t-elle, d’un ton ironique. Puis de développer : Très tôt, elle ressent l’urgence de créer ses propres rôles qui ne la réduiraient pas à un simple objet de désir, de ne pas être une denrée périssable. « Combien de comédiennes ont connu le triste sort de la carrière éclaire car la femme/objet cinématographique est consommable de 13 ans à 20 ans avant d’être mise de côté ? »
Sa rencontre avec Jean-Pierre Bacri fut déterminante, elle trouve en lui son alter égo avec qui elle peut partager ses indignations. Ils se complètent : elle dans l’écriture, lui dans les dialogues.
Leurs talents mis en commun vont donner naissance à une première pièce, puis un film « Cuisine et dépendance » et un premier succès public et critique.
« J’ai trouvé mon autonomie », dit-elle.
Portée par leur fougue et leur audace, elle trouve alors la force d’imposer son travail et ses désirs professionnels. Inconnus des sociétés de production, ils s’opposent farouchement à Gaumont en refusant un casting avec des têtes d’affiche et réussissent à collaborer avec leur troupe de comédiens (Jean-Pierre Daroussin, Sam Karmann, Zabou Breitman).

Sensible et concernée par la place de la femme dans la société, c’est tout naturellement qu’elle accepte de participer à une intervention du collectif « 50/50 » dont le but est de promouvoir l’égalité des femmes et des hommes et la diversité dans le cinéma et l’audiovisuel. Elle écrit alors un texte aussi intime que bouleversant dont elle fait une lecture en public au théâtre de la Porte Saint-Martin à Paris en 2020 (https://www.youtube.com/watch).

Agnès Jaooui

La musique, son autre passion
Elle aborde avec le même enthousiasme ses différentes passions dont la musique et le chant qui l’ont toujours accompagnée.
« Je ne saurais pas faire tout le temps la même chose, confie t-elle, c’est nécessaire à mon équilibre mentale. »
Avant même de penser à enregistrer des disques, elle chantait déjà dans les églises en toute discrétion car elle ne voulait pas que le public vienne l’écouter pour sa notoriété. Là encore, elle brouille les pistes en se passionnant pour le chant classique. Puis après un voyage à Cuba, elle sort un premier album « Canta » en 2006, composé de musiques latines (fado, flamenco, boléro, bossa nova) entièrement chanté en espagnol et portugais. Elle aime le mélange des genres musicaux pour « déghettoïser ».

Une femme de son temps
Sans mélancolie aucune, elle jette un regard tendre sur les répercussions de son travail et plus généralement de sa carrière lorsqu’elle constate non sans émotion que des dizaines de théâtres en France reprennent «Cuisine et dépendance» ou «Une affaire de famille». Interpellée par un comédien dans la salle qui joue actuellement «Un air de famille» au Théâtre de l’Eau vive, elle lui offre une promo inattendue et amusée en lui demandant les dates de ses prochaines représentations.
Agnès Jaoui reste une comédienne très active et avoue, entre fierté et étonnement, avoir de nombreuses propositions depuis ces cinq dernières années. Avec deux films en préparation, elle vient de terminer le tournage à Toulouse de « Le cours de ma vie » de Frédéric Sojcher aux côtés de Jonathan ZaccaÏ et Géraldine Nakache. Côté télévision, elle fait partie du casting de la très attendue saison 2 de « En thérapie » de Nakache et Tolédano sur Arte. Un emploi du temps bien fourni que la comédienne aborde sereinement et rayonne d’un plaisir non dissimulé, partagé avec un public conquis, le temps de cette rencontre en ce dimanche d’automne ensoleillé.

Isabelle Véret

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