Sur la Côte d’Azur, trois villes, trois salons, trois conceptions.
Peut-on comparer ce qui ne l’est pas ? Non, a priori, et pourtant dans les trois cas, il s’agit de montrer et de vendre de l’art en regroupant marchands et créateurs dans un lieu unique et durant une durée limité. Loin de moi l’idée de les classer ou de leur donner, à la manière de Ben, une note comme à l’école. Ce qui m’intéresse dans cet exercice tient plus à souligner les qualités de chaque manifestation, sans pour autant en ignorer les failles, et imaginer ce qui pourrait apporter à chacune ce petit plus qui en ferait un événement incontournable ! Fait marquant ces salons ont tous lieu sur des ports, ceux d’Antibes, de Monaco et de Nice.
Commençons par le plus ancien, le 47ème Salon d’Antibes, qui est le premier du printemps sur la Côte d’Azur, celui qui dure le plus longtemps, du 20 avril au 2 mai 2019, qui a le plus d’exposants et aussi, compte tenu de sa durée, le plus de visiteurs, environ 20 000 amateurs d’art et curieux. Il regroupe des pièces d’antiquité, d’art moderne, d’art contemporain, des bijoux anciens, du mobilier design et vintage. L’édition 2019 a proposé plusieurs nouveautés, une durée raccourcie, treize jours incluant le week-end de Pâques ; la réorganisation de la surface d’exposition en un seul grand chapiteau avec un accès direct à l’espace en plein air ; une sélection plus limitée des exposants réduisant à quatre-vingt-dix les participations françaises et étrangères.
La réputation du salon d’Antibes pour l’art ancien n’est plus à faire, la plupart des marchands, antiquaires et galeristes présents étant des références dans leurs domaines : mobilier – la participation design s’est étoffée –, œuvres d’art, objets de décoration, luminaires, orfèvrerie, tapis, bijoux anciens, arts de la table.
J’ai noté la présence de Sugeres (arts décoratifs du XIXe), Château du Plessis, Nicolas Bordet, Pipat, Richard Duflot, Eric du Maroussem, Art du XXe, Saltiel, Michel Estades, Tempera, Le Floch, Graphik-Art, Michel Douris, Art Gallery Hernandez, Pascal Badie…
Que dire, en revanche, de la présence de l’art moderne et contemporain sur le salon ? J’ai découvert avec plaisir une sculpture remarquable de De Chirico, des Buffet surprenants ici et là ; un Moïse Kisling délicat, Antiquités Haussmann, Paris ; d’attrayants Segui, galerie Saltiel, Le Castellet ; un Dufy … Pour ce qui concerne la création contemporaine le bilan est maigre, à l’exception des Combas et Moya…
Globalement intéressant, le salon d’Antibes manque encore d’une idée phare qui assurerait son positionnement contemporain. Pourquoi n’offrirait-il pas dans le futur, dans un espace délimité, un choix de dix jeunes artistes sélectionnés par un jury international de responsables d’art contemporain ; une idée, comme ça !
http://www.salon-antiquaires-antibes.com
En revanche le salon Artmonte-Carlo, est essentiellement contemporain. Il est bref, du 25 au 28 avril 2019 et regroupe une quarantaine de galeries installées sur le devant de la scène internationale, auxquelles s’ajoutent dix solos shows d’artistes. Son vernissage est un moment incontournable de la côte d’Azur où il est bon d’être vu, comme c’est le cas pour toutes les foires internationales d’art contemporain. Mais l’événement n’est pas que festif, car les galeries sélectionnées sont parmi les meilleures du marché et leurs artistes des pointures affirmées ou, sans doute, parmi les étoiles montantes de la prochaine décennie. Les stands, installés autour de larges allées au premier étage du Forum Grimaldi, bénéficient d’importants espaces qui permettent au public d’avoir une lecture agréable des œuvres présentées. J’ai aimé la pièce très colorée de Vidya Gastaldon et le grand masque laineux de Caroline Achaintre, chez Art : Concept ; un Claude Viallat bleu sombre et un Xavier Theunis dans un camaïeu de bleu et gris, chez Catherine Issert ; une marquante installation d’Anish Kapoor, sur le stand de la Galleria Continua. Etonnée et heureuse de trouver chez In Situ : Fabienne Leclerc, La ligne de rupture 1, 1976, de Lars Frederickson, un artiste qui a vécu à Nice et que le monde de l’art redécouvre après sa mort ; séduite par l’excellente pièce d’Alighiero Boetti, galerie Tornabuoni ; le grand dessin de Lee Bae –magnifiquement exposé par la Fondation Maeght l’année dernière –, présent ici chez Perrotin et par She Lay down Deep Beneath The Sea de Tracy Emin, galerie White Cube.
Comme pour la plupart des foires, excepté Bâle, positionner des exposants sur deux étages est un inconvénient inévitable, d’autant plus qu’au Grimaldi Forum, on accède au niveau 1 par un escalator, ce qui donne l’impression d’aller vers un parking… Les stands installés dans cet espace pâtissent de cette architecture du lieu, ce qui ne m’a pas empêchée d’admirer le solo show de Bettina Rheims, exposé par la galerie Xippas. Les portraits de femmes célèbres sont ici montrés dans des formats modestes, ce qui rend l’œuvre la photographe plus humaine, plus accessible…
Quant partie mobilier, design, objets, appelez ça comme vous voulez, je préfère n’en pas parler …
Undesignable, s’est tenu sur le Port de Nice le samedi 28 et le dimanche 29 avril 2019. Salon ignoré par la presse et la publicité, il a pourtant attiré un public de curieux, mais aussi de connaisseurs, heureux de trouver sur dans cette petite foire en plein air, aux allures de brocante, un mobilier design de qualité avec certaines pièces vintage incontournables. Pour la première fois à Nice, mais la neuvième à Paris Undesignable se veut un événement « Culture design » qui met à l’honneur le mobilier d’architectes et designers du 20ème siècle. Lancé en 2015 à Paris, avec vingt marchands, le salon est devenu aujourd’hui, le rendez-vous des « aficionados » du design. A rappeler ici, les règles instaurées par son créateur, Richard Serrault : pas de copies, pas d’objets reconstitués et pas d’objets cassés ! Le mobilier proposé doit être fabriqué au XXème siècle et être authentique.
Durant deux belles journées ensoleillées sur le Port de Nice, les curieux et amateurs ont pu flâner parmi les stands, craquer pour de belles pièces, et échanger avec les collectionneurs et les marchands présents. Une très bonne nouvelle pour Nice depuis longtemps orpheline de foires de qualité.