Tatiana Wolska, ou l’obsession du déchet.
Je ne m’expliquais pas, jusqu’à cette exposition, les raisons de mon engouement pour le travail de Tatiana Wolska. J’étais, jusqu’alors, plutôt hermétique à ces installions faites d’objets ou matériaux hétéroclites, qui répondaient, non pas à leur réutilisation, mais à devenir un tout exposable ou encore à ces constructions sophistiquées post-design de beaucoup de plasticiens aujourd’hui, qui ne reproduisent que de pâles copies de ce que pose comme principe le design, c’est-à-dire répondre avant tout et le mieux possible à une fonction – un avion supersonique est beau, non parce qu’on a recherché l’esthétisme de sa forme, mais parce qu’elle a répondu à la fonction de cet objet : voler, et le plus vite possible.
Je suis, par ailleurs, souvent restée étrangère bien que respectueuse, à ces questionnements cérébraux que nous demandent d’autres artistes, nous laissant en chemin si leurs artéfacts n’éveillent pas notre subconscient, ou ne nous projettent pas dans le souci aigu du devenir de notre planète…Eh bien, dépassée, ou plus simplement, ennuyée par ce que ces expositions me proposent parfois, j’en suis encore à rechercher le charme de l’objet d’art ou alors sa puissante et sincère signification.
Avec Habitat potentiel pour une artiste, Tatiana Wolska aborde avec simplicité et évidence ce que nous ne voulons pas voir ou ce à quoi nous nous refusons de penser : c’est-à-dire comment l’homme va décemment habiter notre planète à l’avenir.
Pour expliquer sa poétique et drôle construction à la Galerie de la Marine, Tatiana Wolska s’appuie sur l’ouvrage Le pire des mondes possibles de Mike Davis, professeur de sociologie urbaine à l’Université de Californie, que je cite ici : « Si rien ne change, l’humanité future habitera dans des cartons (…). Le programme des Nations unies prévoit qu’en 2020, plus de deux milliards de personnes vivront dans des taudis. Les habitants des bidonvilles représentent déjà près de 80 % de la population urbaine des pays les moins développés. Et demain l’essentiel de la croissance démographique mondiale aura lieu dans les zones urbaines de ces pays, notamment dans leurs bidonvilles (…). »
Cette perspective alarmante génère heureusement des sommes de propositions architecturales de par le monde, mais revenons à Wolska et à son installation/habitat, œuvre éphémère et utopique, mais chargée d’humanité, sorte d’habitation labyrinthique que, tel un bernard-l’ermite, on occuperait volontiers pour un temps !
Avec « cette volonté de construire, ou simplement de faire quelque chose de ses propres mains », Tatiana Wolska échappe aux formes minimales si présentes dans les lieux d’exposition et les habitations. Pour ce faire, elle décharge, trie, fouille les matériaux qu’elle récupère, puis elle les recompose, les agence et les fixe, pour créer cette espèce de bête habitable, composée des cellules classiques d’une habitation avec couloirs, cuisine, salle manger, bibliothèque, chambre, bureau… Le tout avec, au premier étage, une terrasse avec vue sur les visiteurs !
Cette obsession du déchet et de sa réutilisation, disons que, contrairement à cette génération d’artistes français cocoonés par l’institution, Tatiana Wolska la doit à sa naissance (Pologne, 1977) dans les pays de l’Est où la situation économique était loin d’être confortable. « Sans que je sois une écologiste assidue, je n’aime pas encombrer notre planète plus qu’elle ne l’est déjà. J’utilise donc essentiellement des matériaux de récupération. Je sais que c’est un discours beaucoup utilisé actuellement, mais au fil de temps je me suis rendu compte que chez moi c’est plus une habitude venue tout droit de l’environnement postcommuniste dans lequel j’évoluais. Le système D que nous utilisions n’était pas tant un phénomène de mode, mais plutôt un recyclage nécessaire au fonctionnement de chacun. », précise l’artiste.
Avec cette installation faite sur place, sans dessins préparatoires ni modélisation, Wolska organise cette forme organique en bois, y laissant ça et là quelques indices, probablement ceux d’une résistance à l’accélération de la société contemporaine.
Elle ne gère ni le temps ni ne contrôle la rentabilité d’un édifice. Elle prône plutôt l’urgence de la flânerie, ce qui est bancal et inachevé…
Jusqu’au 10 juin 2018
Galerie de la Marine
59, quai des États-Unis – Nice
Jusqu’au 31 mars 2018
exposition Tatiana Wolska, « Liaison »
Galerie Catherine Issert – Saint-Paul-de-Vence
Bonjour,
Je vous écris car vous faites de nombreuses références au texte que j’ai écrit pour accompagner l’exposition de Tatiana sans jamais le citer. J’en suis très heureuse mais je vous prie de citer et de préciser vos sources comme il se doit afin de ne pas tomber dans le plagiat. Bien à vous. Marianne Derrien
réponse à Marianne Derrein
Madame, j’ai, en effet, utilisé le texte qui nous a été remis par la communication de la Galerie de la Marine en citant vos sources mais non votre nom en tant qu’auteure, veuillez m’en excuser. Si j’ai repris certaines de vos « tournures » c’est que je les trouvais heureuses et que lorsqu’on donne un écrit en dossier de presse, il est là pour que les supports puissent les utiliser. Si nos textes convergent, eh bien, tant mieux ! Mais vous en conviendrez je dis des choses qui me sont personnelles sur l’art et cette artiste que je connais bien et que j’avais sélectionné avec 16 autres plasticiens pour l’exposition dont Pierre Levai, propriétaire(entre autres) de la galerie Marlborough de Monaco, m’avait chargé d’être commissaire.
Afin que mes lecteurs puissent se faire une opinion, je les engage à demander votre texte à la Galerie de la Marine, ils pourront ainsi être juges et cela leur permettra , s’ils ne l’ont pas déjà fait, de visiter l’exposition de Tatiana Wolska… n’est-ce pas ce qui importe finalement ?
Bien à vous.
Hélène Jourdan-Gassin