Tom Wesselmann After Matisse, Musée Matisse

Henri Matisse
« Hindoue à la jupe de tulle » 1929 Succession H. Matisse Photo François Fernandez
J’ai envie de dire que Henri Matisse et Tom Wesselmann, s’ils ne se sont pas connus (du moins je ne le crois pas), sont étrangement liés par un pacte post mortem qui regarde l’inspiration et non la copie…
Pourtant ils auraient pu se rencontrer car Pierre Matisse, fils d’Henri, s’installe à New York, en 1924, et ouvre sa galerie en collaboration avec le marchand américain Valentine Dudensing, en 1931, pour défendre l’art moderne français et européen. Ainsi, prennent place sur la scène new-yorkaise, Henri Matisse, Joan Miró, Balthasar Balthus, Alberto Giacometti, Jean Dubuffet…. Pendant ce temps, un bébé nommé Tom Wesselmann naît un 23 février 1931 à Cincinnati ! Matisse dont de nombreux collectionneurs sont américains, voyage régulièrement aux États-Unis – il reçoit le prix Carnegie 1927 à Pittsburgh – a-t-il eu la prémonition d’une arrivée fulgurante, quelques trente ans plus tard, de ceux qui deviendront les géants de la peinture américaine lorsqu’en 1933, il écrit : « Vous comprendrez, quand vous verrez l’Amérique, qu’un jour ils auront des peintres, parce que ce n’est pas possible, dans un pays pareil, qui offre des spectacles visuels aussi éblouissants, qu’il n’y ait pas de peintres un jour. »

Tom Wesselmann
« Sunset Nude with Matisse Odalisque », 2003
Cette rencontre, Claudine Gramont, directrice du Musée Matisse, l’a faite pour l’anniversaire des 60 ans du Musée, et avec quelle maestria !
Elle souligne comment, avec la série des Great American Nudes, Tom Wesselmann a transformé l’odalisque matissienne en icône pop. Par la suite l’œuvre de Matisse va rester pour lui une référence centrale dans se recherche d’efficacité visuelle et de saturation de l’image.
L’exposition montre Tom Wesselamnn à l‘atelier (vidéo passionnante). Elle s’attache à nous faire comprendre sa technique élaborée du collage ou du dessin en volume où la question de l’échelle est toujours très importante, des plus petits formats aux vastes réalisations. Elle est conçue en quatre grands ensembles : les collages, les Geat American Nudes, les Steel Drawings et les Sunset Nudes qui tous témoignent du dialogue entre ce grand artiste pop américain et Henri Matisse.
J’ai aimé les « premiers collages » pour cette constante interrogation de Wesselmann sur l’œuvre de Matisse. Largement reproduite, cartes postales, affiches, donc pop en quelque sorte, elle est pour lui une sorte de vulgarisation qui offre un dérivatif à l’expressionnisme abstrait dont il cherche à s’éloigner. il dit : « J’ai beaucoup appris de Matisse. Je me rappelle avoir passé des heures à étudier les reproductions de ses tableaux. Je voulais l’amener, dans des conversations imaginaires, à me dire pourquoi il avait exécuté chaque élément de la manière dont il l’avait fait. »

Tom Wesselmann, « Blue Dance »,1996-2002
Mais comment de pas être abasourdi par les « Great American Nudes » ils emportent une adhésion immédiate ! Mais disséquée, l’attirance de Wesselmann pour les nus de Matisse vient de ce que le nu matissien n’est pas juste un corps, c’est une figure nue dans un intérieur domestique, à caractère hautement érotique. Traité par Wesselman, en couleurs lisses et criardes, le nu rejoint le mythe trivial de la pin-up ; une sorte d’américanisation de la tradition du nu occidental.
Les Steel Drawings fascinent par la virtuosité de la technique de dessins en aluminium ou en acier découpé. L’artiste exploite ici tout la liberté et la fluidité du tracé au marqueur ou à l’encre, agrandi par projection pour être ensuite découpé au laser sur lequel il revient au fusain ou à la peinture.
Avec Sunset Nudes, Wesselmann au terme de sa vie, rend un dernier hommage à Matisse avec des compositions en grands formats, de peintures réalisés entre 2003 et 2004, une sorte de mouvement rétrospectif aussi, vis-à-vis de son propre travail.

« Man Ray at the Dance », 2004
Après David Hockney et sa très exposition de l’été passé, Claudine Gramont nous offre avec Tom Wesselmann, un nouveau dialogue entre Matisse et les peintres. La hauteur du niveau a des exigences qui interrogent sur une éventuelle autre rencontre, mais la commissaire ne semble pas à cours de ressources…
S’il faut parler des œuvres de Tom Wesselmann, elles sont excellentes, mises à disposition par l’Estate of Tom Wesselmann et avec le soutien de la Galerie Almine Rech, mais personne dans le cœur d’une amoureuse de la peinture, ne pourra égaler Henri Matisse.
Musée Matisse Nice
164, avenue des Arènes de Cimiez
06000 Nice
+33 (0)4 93 8108 08
musee-matisse-nice.org