Vincent Lindon,  Président Du Jury
Vincent Lindon, Président du Jury

Un drôle de droit de réponse

Qui l’eut cru ? Mon petit texte sur le retour du cinéma et ses fastes cannois a suscité un commentaire d’un de mes fidèles lecteurs qui n’a pas voulu entrer dans le cadre qui lui était réservé. Peut-être pour sa taille trop grande ou sa forme, un peu extravagante, d’aucuns diraient poétique Aussi j’ai décidé qu’il ferait un joli article. Est-ce ce que voulait mon lecteur ? Je crois que oui.
Quelque soit sa tournure, j’ai aimé son contenu qui correspondait bien à ce que m’apporte le cinéma : curiosité, surprise, enthousiasme, mais parfois aussi, grand agacement.
Avec mon lecteur nous avons les mêmes admirations qu’il brosse en zigzag, comme un peintre expressionniste. Faut-il toujours tout expliquer ou tout comprendre ?
J’espère que vous prendrez autant de plaisir que moi à lire ce mot, sans oublier qu’il est une réponse à mon article «Le cinéma est de retour».

…Chère Hélène, cher Cinéma,

Nous nous devons d’un manque de « droit de réponse » à ce RE déroulement du tapis rouge pour le SOIXANTE QUINZIÈME anniversaire de la Cannes mondiale du cinéma déchirant…

Tu soulignes et j’avalise ta dispense de pudeur à cet amour hors d’âge pour un Homme qui l’éprouve et le prouve dans ces yeux de bonté.
Lindon, président d’un jury de circonstances ; La Covid, La guerre, La violence sans genre ni sexe et entre sexes…
Lelouch, en toute sainteté, ressurgit au petit écran, sur la route 66 de la palme dorée:
Un Homme, une Femme ;
Simple comme bonjour, avec pudeur, les corps devinés, les Vies dévoilées dans les lacets de nos « colles » verglacées, une Mustang virevoltant dans des sables sans âge…
La Vie ! Caméra au poing, un nouvel angle de vision, une petite ou grande révolution… Avenir.

Un joli mois de Mai, enfin ! Nous sommes ravis, de ses toilettes improbables, paillettes et ors de bijoux sans genres.
Et voilà l’Efira, gainée de soie…qui passe de l’ombre à la lumière du Cinéma 22.

Mais parlons Corps chère Hélène.
Le Cinéma est le reflet fictionnel de notre réel quotidien.
Coup de poing ! De ces corps déchirés, lacérés, mutilés, érotisés malgré tout !
Les déformations de notre  » Première » enveloppe d’Humains, sont déjà étalées dans
les « Sous verre » de Francis Bacon.
Valery Paul, le déclame dans une de ses pièces ;
 » Ce qu’il y a de plus profond en l’homme, c’est la peau  » *

Que ce soit de Ducournau, de Lynch, ou Cronenberg ; leurs corps sont  » NOS  » corps.
Ils furent déjà étirés de façon esthétique, dans le culte  » Brazil  » de Terry Gillian aux influences Titanesques… »1984″ d’Orwell , entre autres.
Comme si la chirurgie, grande prêtresse du progrès en réparation des tissus, puisse porter le sarrau impudique de l’ablation d’organes…Vitaux !
Paul Valery le dit autrement ;  » Oserais-je essayer d’ouvrir le chirurgien ?  » **

Forest Whitaker

La vraie Vie est revenue, très vite dans le timing de cette soirée Cannoise.
Deux géants de l’image et de l’interprétation vont rendre à Cannes ce qui est à César…ou Oscar.
( Sans jeux de maux…)
Un ravissement, un petit miracle même (il en faut ! en ces temps d’impunité) va survenir sur l’estrade laquée, par deux fois :
Le Président ; confus d’émotion, déclamera un des plus sensibles messages de ce temps de guerre. Chapeau ! L’Artiste, tu m’as fait chialer, mon vieux…Lindon.
Et la cerise sur le gâteau d’anniversaire apparaît ; simple, humble, sans tralala, tout en bonté de son regard. Le grand Forest sans gun…Le grand Whitaker qui dans la suite immédiate de Vincent va rendre cette soirée LUCIDE. Il décrit son instant d’un soir ;
…Un énorme disque solaire rougeoyant, descend sur l’horizon d’une plage du bout de monde.
L’Homme, dans sa solitude méditative, perçoit un grésillement, à l’instant magique ou le soleil disparait sur la surface de l’eau. L’Acteur aux mille rôles époustouflants, reçoit un message subliminale de l’universel ; La vie dans le silence du crépuscule, un grésillement, une brûlure, la Lucidité du Vivant.
Cette émotion, si bien relatée en live, n’est pas sans rappeler ce vers de René Char ;
 » La lucidité est la brûlure la plus rapprochée du soleil. »

Nous ne sommes plus dans la réaction de La Deneuve défendant Le Pialat,  » Sous le soleil de Satan », préféré aux « Ailes du désir  » de Wim Wenders. Bernanos adapté, Palmé d’or dans les années 80.
Poing levé, Maurice provoque !! Une question de « Je t’aime, mon non plus… ».
Non plus, dans l’abondance des corps qui se goinfrent du Ferreri Marco, dans « La grande bouffe ».
Mourir de manger…très loin de Mourir d’Aimer. Très près de la Lucidité des bons vivants.

Action ! Nous sommes en Direct-Live, avec l’Ukraine démembrée…mais résistante.
Les paroles d’Ange de Charlot, reprises par le président d’un pays au charme Slave.
L’Homme au tee-shirt kaki, rappelle que le Cinéma peut changer le monde !

Dans sa conscience Azuréenne, le 75ème festival mondial du film est ouvert.
Lucidement ouvert par les dernières paroles d’un Vincent, qui pourrait  » Être  » un Van Gogh sous le soleil de Provence ;  » Être vivant et le savoir « . A bon entendeur…

Coupez ! Le temps que le Jury, le grand jury annoncé, remette la palme d’Or de la 22ème année 2000, en toute lucidité.
Un vote responsable ? Qui, dans le silence des disparus récents et à venir, permette d’entendre ce grésillement, ce signe de vie intense, sur l’écran blanc de nos nuits blanches.

Jean-Jacques CAMPI

* : l’idée fixe – Paul Valéry – 1931.
** : Discours aux chirurgiens – Paul Valéry – 1938.

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