Charles Jourdan 1979 The Guy Bourdin Estate 2019
Courtesy Art And Cpmmerce
Charles Jourdan 1979 The Guy Bourdin Estate 2019 Courtesy Art and Cpmmerce

« Zoom » sur Guy Bourdin, artiste.

Photo France, septembre 1972
The GuyBourdin Estate 2019 Courtesy Art and Commerce

Artiste plasticien, que voilà un mot étrange qui désigne aussi bien un fabriquant de chiens de jardin, comme Totor, installé place du Commandant Gérôme à Nice, que le  Bouquet de Tulipes de Jeff Koons dans les jardins de Petit Palais à Paris. Dans un cas comme dans l’autre, on appelle ces trucs des œuvres d’art, même si nous sommes nombreux à nous nous interroger sur leur finalité…

Avec Guy Bourdin la démarche est inverse. S’il s’est lui-même laissé cataloguer comme photographe de mode et de publicité français, sans revendiquer haut et fort son statut d’artiste, il a pourtant consacré sa vie à une quête artistique, silencieuse et profonde, exprimée aussi à travers la peinture, les films et l’écriture.

Le Musée de Photographie Charles Nègre présente aujourd’hui le travail fascinant de Guy Bourdin dont on ne peut hélas plus vanter les mérites qu’auprès de Samuel, sons fils, car l’artiste a quitté ce monde en 1991, aussi discrètement qu’il y a vécu, réalisant trente ans d’un travail photographique révolutionnaire sur la mode et l’art photographique en général…

Dans ce grand espace du musée qui se prête assurément mieux à la photographie que les salles de l’Artistique, Marie-France Bouhours, avec la commissaire de l’exposition Shelly Verthime, nous font voir à quel point cet artiste avant-gardiste a repoussé les frontières de la photographie de mode contemporaine, l’inscrivant comme l’une des plus influentes du vingtième siècle.

French Vogue, avril 1955 The Guy Bourdin Estate Courtesy Art and Commerce

A l’étage du musée, nous découvrons les premières œuvres en noir et blanc de l’artiste, non soumises à la commande, mais déjà si audacieusement cadrées, où le personnage n’est pas le centre de l’image, mais occupe une place secondaire dans un environnement naturel ou urbain.

Dans les salles du bas, si ce basculement de l’artiste – grand admirateur de Man Ray qui écrira d’ailleurs le texte d’introduction de sa première exposition à Paris – se produit en 1954 vers la mode, c’est aussi grâce à Man Ray qu’il est introduit auprès d’Edmonde Charles Roux, rédactrice en chef de Vogue, Paris, une collaboration avec ce magazine qui durera plus de trente ans. Les portraits de ses débuts datent de ces publications dans la presse : « Chapeaux Choc » pour Vogue Paris et « Portrait de l’Artiste » pour Nouveau Femina. Toutes deux publiées en 1955, ces séries témoignent déjà d’un message difficilement décodable ; l’exploration d’un univers à mi-chemin entre l’absurde et le sublime.

French Vogue, avril 1960 The Guy Bourdin Estate Courtesy Art and Commerce

Si on a oublié aujourd’hui à quel point les Chaussures Charles Jourdan étaient connues – une anecdote : lorsque je donnais mon nom, Jourdan-Gassin, difficile à retenir, je disais, Jourdan comme les chaussures, Gassin comme le village et tout le monde le mémorisait – personne n’ignore, je pense, que tous ces pieds merveilleusement chaussés sont évidemment des images de Guy Bourdin !

A ce sujet, on nous dit que durant l’été 1979, Bourdin entreprend de sillonner l’Angleterre dans sa Cadillac grise, en compagnie de son assistant Icaro et de son fils Samuel, pour réaliser la nouvelle campagne de la marque. Dans sa valise il emporte la nouvelle collection de chaussures et des jambes de mannequins en plastique, qui rendent superflues la présence de mannequins et chair et en os. Plus encore que la commodité de se soustraire aux caprices de ces jeunes personnes, la présence de ces jambes artificielles fait écho à la fascination de Bourdin pour les Surréalistes et leur utilisation détournée des poupées… Un hommage rendu à l’œuvre de Man Ray, de Magritte, de Salvador Dali. S’il s’approprie ces sources d’inspiration, le résultat, qui est la brillante signature de Bourdin, est reconnaissable parmi tous.

Vogue Paris, mai 1970

La photographie de mode qui, dans les années 50, avait glissé dans l’insipide et le conventionnel retrouva ou plutôt accéda définitivement avec Bourdin au statut d’œuvre d’art. Si nous ne les avions pas, pour beaucoup, déjà en mémoire, les images que nous découvrons dans de cette exposition, nous fascinent et nous interrogent, tant elles sont subtilement sulfureuses et élégantes, deux adjectifs qu’il est bien rare de pouvoir unir  sur un même objet.

Je n’ai rien dit de la couleur … Les mises en scène de Bourdin, sont pourtant d’une ardeur flamboyante. Les verts et les rouges se choquent comme sur la palette du peintre…

Aujourd’hui, les œuvres de Guy Bourdin sont exposées et collectionnées dans le monde entier, dans des musées aussi prestigieux que le Jeu de Paume, le Victoria & Albert Museum, la Tate Modern, le Musée J. Paul Getty, le MoMA, le SFMOMA et la Maison Moscovite de la Photographie.

http://www.musée.photographie.nice.fr

D’octobre 2019 au 26 janvier 2020

Musée de la Photographie Charles Nègre

1, place Pierre Gautier – Nice

Cet article comporte 2 commentaires

  1. Una Liutkus

    Merci Hélène, j’ai zappé le démarrage de l’expo de Guy Bourdin ! J’y cours.
    Comme il va bientôt pleuvoir, j’y resterai plus longtemps…

  2. J. Pedinieli

    Moi aussi! Je n’y cours pas comme Una qui est tout en jambes, mais j’irai voir l’expo. En effet,ton article a suscité le désir de voir.
    Merci.
    Je t’embrasse. Jany
    Profiter du temps que t’offrent tes rédactrices pour travailler sur ton bouquin, très bonne idée!

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